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Page:Fortuné du Boisgobey - Le Pouce crochu, Ollendorff, 1885.djvu/203

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le pouce crochu

À cette interpellation inattendue la réponse était délicate, et Fresnay essaya de s’en tirer par un biais.

— Eh ! s’écria-t-il, elles sont assommantes les honnêtes femmes. Laissons-les confire dans leur vertu et amusons-nous sans elles. Veux-tu que je te lance dans le monde des grandes horizontales ? Tu n’as qu’à parler. Je les connais toutes et elles te feront fête. Veux-tu courir les bastringues de barrière ou pénétrer les mystères du bal Bullier et des brasseries du Quartier Latin ? Tu en grillais d’envie, quand j’eus le bonheur de faire ta connaissance sur la terrasse du concert des Ambassadeurs. Si cette fantaisie t’a passé, en as-tu une autre ? Je me charge de la satisfaire, mais ne me demande pas de te traîner chez une petite sotte dont tu ne te soucies nullement, ni moi non plus.

— Que de phrases pour dire que vous refusez de faire ce que je veux ! C’est la première fois ; ce sera la dernière.

Alfred, impatienté, allait répliquer vertement, lorsque, la femme de chambre entra en disant :

— Le bain est prêt et il n’y a plus personne là-haut. Il faut croire que…

Olga s’arrêta court. Elle venait d’apercevoir monsieur, et elle regrettait vivement d’en avoir déjà trop dit, par étourderie, car madame de Lugos l’avait avertie qu’il était là.

— Il y avait donc quelqu’un ? ricana Fresnay.

— Non, monsieur. La langue m’a fourché, répliqua la soubrette, avec une rare impudence.

— Parions que c’était le valet de cœur.

— Bon ! monsieur m’a entendue tirer les cartes à madame. Mais le petit jeu et le grand jeu, c’est des bêtises. Je n’y crois pas moi-même. Ce que j’en faisais, c’était pour amuser madame.