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Page:Fortuné du Boisgobey - Le Pouce crochu, Ollendorff, 1885.djvu/209

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le pouce crochu

— On prétend que vous l’avez enfermée dans une tour d’ivoire, entre Auteuil et Passy… Oh ! je ne vous en blâme pas. L’oiseau pourrait bien s’envoler si vous ne le mettiez pas en cage. Je connais des amateurs qui le guettent.

Fresnay ne répondit pas à cette invite aux confidences. Il regardait un monsieur qui venait de s’approcher de la table et de jeter un billet de banque sur le tapis, et il trouvait que ce nouveau ponte ressemblait étrangement à M. Tergowitz, le compatriote de Stépana.

— Connaissez-vous ce bonhomme-là ? demanda-t-il en le désignant du doigt à Daubrac, qui répondit, après l’avoir examiné :

— Non. C’est la première fois que je le vois ici. Et je crois bien qu’il n’est pas du cercle. C’est probablement un invité, comme on nous en amène de temps à autre. Voilà une liberté qu’on ferait bien de supprimer ! Vous verrez qu’un de ces jours, on introduira ici un bon grec qui raflera l’argent de tout le monde et qu’on ne reverra plus.

— Je serais curieux de savoir qui a présenté celui-là et comment il se nomme.

— C’est facile. Lui et son parrain ont dû s’inscrire sur le registre des dîneurs. Je vais y aller voir. Il a une tête qui ne me va pas.

— Et vous reviendrez me renseigner, dit Fresnay en se dirigeant vers la table de jeu.

Il alla se placer en vis-à-vis du personnage qui l’intriguait et il se mit à le dévisager avec toute l’attention dont il était capable. C’était un homme jeune encore, grand, brun et élégamment tourné, dont les traits rappelaient beaucoup ceux du Hongrois que Fresnay, du haut de la terrasse des Ambassadeurs, avait vu causant au concert