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le pouce crochu

— Tais-toi, animal, et aide-moi d’abord à enlever cette pauvre enfant, dit brusquement Gémozac.

— Et où diable veux-tu la porter ?

— Sur son lit, parbleu ! Sa chambre doit être à l’étage au-dessus.

— Et après ?

— Après ! tu vas courir au poste où ce sergent de ville voulait la conduire… tu diras qu’un crime vient d’être commis, et tu amèneras ici les agents… le commissaire…

— Jolie commission que tu me donnes là ! Ah ! si jamais tu me repinces à courir à la foire au pain d’épice !

— Et moi, si tu m’abandonnes, je te jure que je cesserai toute espèce de relations avec toi. C’est indigne, ce que tu dis !… tu n’as donc pas de cœur ? Allons, prends ce flambeau et éclaire-moi. Je la porterai bien à moi tout seul.

Julien s’était agenouillé près de la fille de Monistrol et cherchait à la ranimer en lui frappant dans les mains, mais elle ne revenait pas à elle. Heureusement, il était vigoureux. Il la prit par la taille et, avec une souplesse que lui aurait enviée plus d’un clown, il réussit à se remettre sur pied sans laisser tomber le fardeau dont il s’était chargé.

Fresnay se résigna, en rechignant, à faire ce que son ami lui demandait. Il le précéda, la lumière à la main, et il sut trouver l’escalier du premier étage.

La chambre de Camille était à gauche sur le palier et ils n’eurent pas de peine à la reconnaître au lit à rideaux blancs, le lit de toutes les jeunes filles.

Julien l’y coucha avec précaution, prit une carafe sur la toilette et se mit à lui jeter des gouttes d’eau au visage. Elle ouvrit les yeux et les referma presque aussitôt en murmurant des mots inintelligibles ; ses mains s’agitèrent