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Page:Fortuné du Boisgobey - Le Pouce crochu, Ollendorff, 1885.djvu/48

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le pouce crochu

cher, qu’elle le rencontrerait infailliblement, et qu’il lui suffirait d’un coup d’œil pour constater la difformité qui l’avait si vivement frappée, le soir de l’assassinat.

C’était tout ce qu’elle voulait pour le moment. Une fois qu’elle serait sûre de son fait, il serait temps d’arrêter un plan de campagne.

Elle eut soin de descendre de voiture un peu avant d’arriver à la place du Trône, afin de ne pas trop attirer l’attention, et elle se dirigea vers le côté gauche du rond-point où elle devait trouver la baraque qu’elle cherchait.

Toutes étaient closes, les représentations ne commençant guère avant quatre heures ; mais, autour de quelques-unes, il y avait un certain mouvement. Des gens allaient et venaient. Des enfants jouaient. Celle où Zig-Zag travaillait semblait être abandonnée. Il n’en sortait aucun bruit, pas plus qu’il ne sortait de fumée d’un tuyau de poêle qui s’élevait au-dessus du toit de la voiture bizarre où logeaient les artistes de la troupe.

Cette voiture, une espèce d’arche de Noé, — une maringotte, disent les saltimbanques — était restée derrière la baraque. Les deux chevaux poussifs qui la traînaient par les chemins, dételés maintenant et attachés aux jantes d’une des roues, essayaient de brouter le maigre gazon municipal. Un homme en vareuse et en chapeau à trois cornes, était assis, bras croisés, sur le timon et mâchonnait entre ses dents la courte queue d’une pipe éteinte.

Cet homme avait une face carrée, rougeaude, agrémentée d’un nez trognonnant et comme coupée en deux par une large bouche, qui ressemblait à l’ouverture d’une tirelire.

Camille ne le reconnut pas tout d’abord à cause du changement de costume, mais en le regardant avec atten-