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le pouce crochu

qu’elle est montée ici tout exprès pour entrer en conversation avec nous… et pour nous faire dire des choses qu’elle avait intérêt à savoir. Tu l’as servie à souhait car tu lui as fourni une foule de renseignements… qu’elle ne te demandait pas.

— Sur mademoiselle Monistrol. Voilà ta manie qui te reprend.

— Tâche du moins de réparer ta sottise, en m’aidant à découvrir à qui nous avons eu affaire. Il te sera facile, quand tu la reverras, d’observer ses allures… et son entourage, car je la soupçonne d’être moins seule qu’elle ne le prétend. Dans tous les cas, elle doit avoir une femme de chambre et, moyennant un louis ou deux, la soubrette t’apprendra ce que vaut sa maîtresse.

— Allons, bon ! voilà maintenant que tu me pries de me faire ton espion. Ça ne me va guère, mais enfin, quand ce ne serait que pour te guérir de tes préventions contre cette pauvre comtesse… tiens ! je la vois… elle est entrée au concert et elle cause avec un monsieur… là-bas, dans le coin.

— Oui, grommela Julien, avec le monsieur qui tout à l’heure lui faisait des signes… Je le reconnais parfaitement.

— Le gentilhomme hongrois, parbleu ! dit Fresnay.

— Il n’est, j’en réponds, ni Hongrois, ni gentilhomme.

— Il est, dans tous les cas, fort bien de sa personne. Je conviens cependant qu’il a plutôt l’air d’un amant parisien que d’un seigneur magyar.

— Et d’un amant complaisant. Il aperçoit sa maîtresse attablée avec deux jeunes gens, et, au lieu de monter pour lui faire une scène, ou tout au moins pour nous demander des explications, il se contente d’entamer d’en bas une télégraphie clandestine…