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le pouce crochu

une écurie, à Roisel, où nous avions couché et on l’y avait oublié… il a cassé la porte, et il nous a rattrapés le soir, à Péronne… il y a bien trois lieues de pays. Zig-Zag, des fois, s’amusait à le perdre exprès, pour montrer comme il savait retrouver son chemin, et pour épater les bourgeois des villes où on travaillait. On lui en a offert des deux et des trois cents francs, mais il n’a pas voulu le vendre. Il sait que Vigoureux le défendrait si on voulait l’arrêter.

— Il craint donc d’être arrêté ?

— Dame ! il n’a jamais eu de papiers, depuis qu’il voyage avec nous, ou, s’il en a, personne ne les a vus. Ça fait qu’il n’aime pas les gendarmes. Mais il est malin comme un singe et il se tire toujours d’affaire, à preuve qu’on voulait l’arrêter l’autre semaine et qu’on l’a laissé aller.

Et puis, ajouta Georget en baissant la voix, si jamais un agent lui mettait la main dessus, Zig-Zag n’aurait qu’à siffler son chien. Amanda l’a dressé à sauter à la gorge de n’importe qui, dès qu’elle lui fait signe… et un signe qu’on ne voit pas… elle a un truc… Père dit que c’est en faisant craquer ses ongles et en regardant l’homme qu’elle veut faire étrangler… Vigoureux comprend.

Camille tressaillit. Son père était mort étranglé et le mot que Georget venait de prononcer lui rappelait une effroyable scène. Elle se tut et l’enfant n’osa pas continuer l’entretien.

Ils marchaient d’ailleurs aux allures vives, afin de ne pas se laisser distancer par Courapied que le bouledogue entraînait plus vite qu’il ne voulait ; si vite qu’ils arrivèrent bientôt au bout de ce long boulevard, c’est-à-dire sur la place du Château-d’Eau.