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temple à ciel ouvert dont les bas-reliefs de Barhut et de Sâñchi nous ont conservé l’image et marqua à sa base la place où le Bienheureux s’était assis par un trône de pierre (le fameux Vadjra-âsana ou Siège-de-diamant) dont la dalle supérieure, ornée sur la tranche d’un décor caractéristique de son époque, est parvenue jusqu’à nous. La légende veut même qu’Açoka ait été si énamouré de cette plante sacrée que sa reine favorite en conçut de la jalousie et la fit envoûter par une sorcière paria ; mais son époux marqua une telle désolation à voir l’objet de son culte dépérir qu’elle fit presque aussitôt rompre le charme. Le figuier survécut donc et lui, ou plutôt son rejeton — car cette essence, de croissance rapide, est de vie relativement courte — continua d’attirer les fidèles bouddhistes. Une pousse en fut même solennellement transportée à Ceylan où Fa-hien admira sa prestance et où elle s’est perpétuée jusqu’à nos jours. Au début du iiie siècle de notre ère un grand vihâra de briques encore debout, et nommé par les inscriptions « la Cellule du Maître au Siège-de-Diamant » remplaça par les soins d’un brahmane converti, aux côtés mêmes de la souche-mère, le bizarre entourage hypèthre d’Açoka[1] ; et de même que les Croisés répandirent en Europe à leur retour de la Terre sainte le plan de la chapelle du Saint-Sépulcre, le modèle de ce temple, comme de la statue miraculeuse qu’il abritait, fut colporté par les pèlerins et imité dans toute l’Asie orientale. Mais tout ici-bas n’est qu’heur et malheur. Vers la fin du vie siècle l’arbre-de-la-Bodhi fut détruit, en haine du bouddhisme, par le méchant roi du Bengale Çaçânka ; toutefois, en dépit de la précaution que prit son ennemi de le brûler et de faire arroser ses racines avec du jus de canne à sucre, il repoussa de plus belle ; quand Hiuan-tsang le vit, cinquante ans plus tard, il avait déjà repris entre quarante et cinquante pieds de hauteur et repartait pour de nouveaux siècles de gloire. Bien que le site ait été saccagé à fond par les conquérants musulmans, le voyageur anglais Buchanan trouva encore six cents ans plus tard, à la date de 1811, son descendant en pleine vigueur. En 1867, le général Cunningham constatait sa décrépitude, et un orage achevait de le renverser en 1876. Mais déjà de jeunes pousses se pressaient pour le remplacer ; et, après les fouilles du Service archéologique (dans l’intervalle le niveau du terrain s’était exhaussé de plusieurs mètres), l’une d’elles fut replantée auprès du Siège-de-diamant remis au jour. Nous sommes là, on le voit, sur le solide terrain des réalités archéologiques, — voire même, à en croire la légende, sur le plus solide des terrains : car elle veut que de toute la surface de la terre seul cet endroit se soit révélé assez inébranlable pour supporter le poids du Bouddha et de sa pensée. Cependant, à mesure que nous lisons la version mythologique de l’Illumination, nous voyons l’arbre se transfigurer, s’enfler dans des proportions démesurées et prendre une importance que nous ne lui soupçonnions pas. Tout l’effort de Mâra et de ses séides ne vise

  1. Le récit du DA p. 397 s. est déjà traduit dans IHBI p. 393 s. et figuré à Sañchi, pl. 18. — Sur le temple hypèthre dont Açoka entoura le Bodhi-drûma cf. Sâñchi pl. 51 a et Barhut pl. 13 (ou 30, 3) et 31, 3. — Fa-hien B p. 73 attribue au rejeton singhalais 220 pieds de hauteur. — Sur le Vajra-âsana « Siège du diamant ou du foudre » et sa Gandha-kuṭî, v. l’ouvrage que leur a consacré Cunningham, Mahâbodhi, pl. 11-17.