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embrassé ; d’autres, plus prudes, montrent un laboureur empoignant le mancheron de sa charrue.

8o En présence de quoi y a-t-il contact ? À quelle occasion y a-t-il contact ? — C’est quand il y a les six cadres qu’il y a contact ; le contact a pour occasion les six cadres.

Il va de soi qu’il ne peut y avoir de contact entre les sens et le monde extérieur que si les sens existent : « un aveugle ne voit rien ». Ces sens, leurs sièges et leurs domaines respectifs sont au nombre de six, à savoir nos cinq sens externes (vue, ouïe, tact, odorat et goût) et le sens interne (manas). Ils sont indiqués soit par un masque humain présentant les ouvertures vides des organes des sens externes et muni d’une paire d’yeux supplémentaire figurant le manas, soit par une maison, toutes fenêtres ouvertes, mais encore inhabitée.

9o En présence de quoi y a-t-il les six cadres ? À quelle occasion y a-t-il les six cadres ? — C’est quand il y a nom et forme qu’il y a les six cadres ; les six cadres ont pour occasion les nom-et-forme.

L’existence et l’activité des sens impliquent à leur tour celles d’une personne qui s’en sert et qu’en retour ils informent. Or une personne se définit par le fait d’avoir une forme (c’est-à-dire un corps) et de se désigner par un nom (avec les idées accessoires que ce mot connotait de toute antiquité, quand le nom était comme l’essence de l’individu qu’il déterminait). La conjonction de ces deux facteurs, l’un d’ordre spirituel et l’autre purement physique, constitue la « personnalité », et tel est le meilleur équivalent pour traduire en notre langue le composé « nom et forme ». Celui-ci est figuré par un passager embarqué dans une nef flottant sur l’océan des existences : car la question se pose dès lors pour lui de savoir s’il atteindra ou non « l’autre rive », celle où gît le salut.

10o En présence de quoi y a-t-il nom et forme ? À quelle occasion y a-t-il nom et forme ? — C’est quand il y a conscience qu’il y a nom et forme ; les nom-et-forme ont pour occasion la conscience.

Cette personnalité, pour impermanente qu’elle soit dans les idées bouddhiques, ne peut exister, ou tout au moins en concevoir l’illusion, qu’à condition d’avoir quelque conscience de son moi. Comme cet éveil de la conscience qui oppose l’individu au reste du monde se produit dès le stade animal, il est symbolisé par un singe juché ou non sur un arbre.

11o En présence de quoi y a-t-il conscience ? À quelle occasion y a-t-il conscience ? — C’est quand il y a prédispositions qu’il y a conscience ; la conscience a pour occasion les prédispositions.

À la conscience individuelle correspond forcément un certain degré dans l’échelle des êtres et ce degré implique tout un ensemble de caractères physiques, intellectuels et moraux que chaque individu apporte avec lui en naissant et que nous embrassons sous le terme d’ « hérédité » ou, comme certains disent, de « prédestination ». Par samskâra (littéralement « confectionnant » ou « coefficient ») il faut entendre ici toutes ces particularités, tendances et potentialités que l’on dit innées parce qu’héritées d’une lignée indéfinie d’ancêtres ; et comme ces prédispositions déterminent à l’avance le statut, les conditions et l’orientation générale de chaque vie nouvelle, elles sont symbolisées par un potier qui sur sa roue et sous sa main modèle à son gré l’argile dont il fabrique ses vases.