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« Les phénomènes qui naissent d’une cause,
Le Prédestiné en a dit la cause ;
Il en a dit aussi la cessation :
Telle est la doctrine du grand Samane. »

Et quand le rel. M entendit cette formule de la Loi, la vision claire et sans tache de la Loi se leva pour lui : « Tout ce qui est sujet à la production est sujet à la destruction ». Et il dit à S. : « Quand bien même la Loi ne serait que cela, tu n’en as pas moins atteint l’état où il n’y a plus de chagrin, état qui n’a pas été vu depuis bien des myriades d’âges du monde. » Et alors le rel. M dit au rel. S. : « Allons, ami, près du Bienheureux ; c’est lui, le Bienheureux, qui est notre Maître. » (Mais S. lui répondit) : « Ami, ces deux cent cinquante religieux, c’est par rapport à nous, par considération pour nous qu’ils demeurent (dans l’ermitage de Sañjaya). Informons-les donc (de notre intention) et ensuite ils feront ce qu’ils jugeront à propos ».

« Les phénomènes qui naissent d’une cause,
Le Prédestiné en a dit la cause ;
Il en a dit aussi la cessation :
Telle est la doctrine du grand Samane. »

Et alors, en vérité, pour le rel. rel. M., sur-le-champ même, tel qu’il se tenait là, s’ouvrit la vision pure et sans tache de la Loi. Et alors, ayant compris la Loi et rejeté les fausses doctrines, son attente comblée, ses doutes dissipés, la pensée adoucie, la pensée active, et toutes ses propensités s’inclinant vers le nirvâna, il dit à Ç. : « Où séjourne le Maître, ô révérend ? » — « Révérend, le Maître séjourne au Bois-des-Bambous, dans le champ de Kalanda, avec une grande communauté de moines, avec douze cent cinquante moines. Allons, après avoir invité Sañjayin, trouver le Maître au Bois-des-Bambous ; et par-devant le Bienheureux nous pratiquerons la vie religieuse. » À ces mots M. dit à Ç. : « Allons tout droit d’ici au Bois-des-Bambous ; à quoi bon aller voir ce faux docteur de Sañjayin ? » — « Non pas, ô révérend M. ; ce Sañjayin ne nous a pas moins rendu grand service : car c’est grâce à lui que nous sommes sortis de la maison ».

Et alors tous deux allèrent là où se trouvaient ces religieux, et, y étant allés, ils leur dirent : « Nous allons, amis, nous rendre auprès du Bienheureux ; c’est le Bienheureux qui est notre Maître » (Ils répondirent :) « C’est par rapport à vous, ô révérends, c’est par considération pour vous que nous demeurons ici ; si vous, ô révérends, vous allez mener la vie religieuse sous la direction du grand Samane, nous tous, tant que nous sommes, nous en ferons autant. » Et alors S. et M allèrent trouver le rel. Sañjaya et (par trois fois) ils lui dirent : « Ami, nous allons nous rendre auprès du Bienheureux ; c’est lui le Bienheureux qui est notre Maître. » Et (par trois fois) Sañjaya leur répondit : « Arrêtez, amis, ne vous en allez pas ; à nous trois nous dirigerons cette congrégation ». Et alors S. et M ayant pris avec eux ces deux cent cinquante religieux se rendirent au Bois-des-Bambous ; et à ce moment même de la bouche du rel. Sañjaya jaillit du sang chaud[1].

Et alors tous deux, s’étant rendus à l’ermitage, invitèrent Sañjayin en disant : « Allons près du Bienheureux grand Çramane pratiquer la vie religieuse. » À ces mots le rel. Sañjayin leur dit : « N’allez pas près du Cramane Gaoutama pratiquer la vie religieuse. J’ai là cinq cents religieux qui m’appartiennent : vous en dirigerez la moitié. » — « Bien prêchées par le Bienheureux sont la Loi et la discipline. Avec lui le succès est en vue et tous les voiles déchirés. Nous en avons assez d’attendre en vain la satisfaction de nos aspirations. » Et ainsi, après avoir invité Sañjayin, ils sortirent de son ermitage et se dirigèrent vers le Bois-des-Bambous ; et les cinq cents religieux s’en allèrent avec eux, et Sañjayin criait : « Ce n’est ni une, ni deux, ni trois, ni quatre, ce sont les cinq centaines qu’Oupatishya emmène avec lui ! »

  1. L’ANS p. 330 et la Vie p. 153 font même mourir Sañjaya de son crachement de sang ; en revanche le Manual lui laisse la moitié de ses disciples, et les textes tibétains, réagissant de plus belle, le font mourir d’avance et recommander en mourant à ses disciples de se convertir au Buddha (Leben p. 256 ; Life p. 45 ; Feer, Extraits du Kanjour p. 4 s.).