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rien à la constatation que nous venons de faire (et que quiconque sait lire est à même de refaire pour son compte), à savoir qu’il ne se peut rien concevoir de plus dissemblable comme décor, comme teneur et comme ton que les Évangiles et les Soutras[1] bouddhiques qui y correspondent, alors même qu’ils sont probablement contemporains, ou peu s’en faut. Les ambiances dont ces textes sont sortis semblent vraiment aux antipodes l’une de l’autre. Assurément les deux religions ont eu, chacune dans sa sphère, un rôle analogue et des plus bienfaisants. Le christianisme s’efforce, sans y avoir encore réussi, d’adoucir les mœurs sanguinaires des peuples carnivores, mangeurs de blé et buveurs de vin, que nous sommes. Bien que particulièrement adapté aux besoins spirituels des buveurs d’eau végétariens de la rizière, le bouddhisme compte à son actif d’avoir rendus inoffensifs Tibétains et Mongols. Mais c’est un fait d’expérience courante que, de nos jours encore, ces deux églises n’exercent nulle part, pas plus en Europe qu’en Asie, aucune action marquée l’une sur l’autre. Trop distantes dans leur dogmatique, trop voisines dans leur morale, elles n’ont ni possibilité de se confondre, ni raisons de s’attaquer. Si la violente intrusion entre elles des fanatiques armées de l’Islam avait été épargnée à l’humanité, il est vraisemblable qu’à elles deux, elles se seraient pacifiquement partagé le monde.


  1. Sûtra (pâli Sutta) signifie proprement « fil » ou « cordelette », puis, par extension, tantôt « fascicule », tantôt « file » de règles didactiques formulées en un cahier. Chez les bouddhistes le terme désigne spécialement les textes originaux qui sont censés remonter à la prédication du Maître ; le recueil de ces récits, homélies et dialogues forme avec le Vinaya ou « Discipline monastique » les deux parties anciennes de la Triple corbeille des Écritures (Tri-piṭaka).