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PREMIÈRE PARTIE

LE CYCLE DE KAPILAVASTOU

CHAPITRE PREMIER

LA NATIVITÉ. — I. AVANT L’ENFANTEMENT

Nous abordons l’étude de la vie du Bouddha sans aucune intention de polémique ni d’apologétique, avec l’impartialité qui convient à un historien[1]. Cette biographie, nous la prenons pour ce qu’elle est, c’est-à-dire pour un mélange d’histoire et de légende, de vérité et de fiction ; et sans nous livrer suivant l’exemple de H. Oldenberg à des excès d’exégèse rationaliste, ni nous abandonner à la suite d’É. Senart « aux enivrements de la mythologie comparative[2] », nous tâcherons simplement de restituer, à l’aide des documents écrits et des monuments figurés, la façon dont les Indiens d’il y a deux mille ans l’ont eux-mêmes conçue et représentée. Ce qui importe est de ne demander à nos sources rien de plus, mais aussi rien de moins que ce qu’elles sont susceptibles de nous donner actuellement.

Si, chemin faisant, nous ne dissimulons pas l’attrait qu’exerce l’admirable figure du Bouddha, nous ne chercherons donc dans sa doctrine aucun prétexte à propagande. Toute tentative de ce genre serait pire que déplacée : elle s’avérerait vaine. Les religions ont trop de racines dans telle ou telle contrée et trop d’affinités avec telle ou telle race, elles sont l’aboutissement de trop d’hérédités séculaires pour constituer un article courant d’exportation. Certes on peut du jour au lendemain les professer du bout des lèvres, ne serait-ce que pour se faire nourrir en temps de famine[3] ; mais nos missionnaires en Orient vous diront qu’ils ne commencent à croire à la solidité des convictions chrétiennes de leurs ouailles qu’à partir de la troisième génération. Lasses d’être toujours les mêmes à se faire évangéliser, les communautés d’Asie se mettent à envoyer à leur tour des missions en Europe : à part quelques âmes particulièrement curieuses d’expériences exotiques, celles-ci ne recueilleront chez nous que bien peu d’adeptes. Assurément les morales chrétienne et bouddhique sont sensiblement pareilles ; mais leur fond doctrinaire et toute leur atmosphère spirituelle sont trop dissemblables. Le voyageur qui

  1. Quiconque a lu l’introduction le sait déjà ; mais qui lit les introductions ?
  2. L’expression est d’É. Senart (Origines bouddhiques p. 6).
  3. Allusion aux convertis d’occasion bien connus dans les Missions de l’Inde sous le nom de « chrétiens de riz ».