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DESCARTES.

beth, soit à Christine ; et ce sont encore les questions posées par Christine qui lui feront écrire à Chanut son admirable lettre sur l’amour. Descartes atteignait d’ailleurs l’âge où ces problèmes préoccupent davantage : il était « fatigué de la géométrie », il croyait avoir épuisé la métaphysique ; il songeait surtout à écrire sur l’homme. Toute grande doctrine aboutit à la pratique, et, nous le savons, Descartes lui-même avait le souci des applications autant que des spéculations ; c’est même là un des traits caractéristiques de son génie.

III. — Descartes eut toujours en horreur les controverses théologiques. Sa foi religieuse était sincère, mais il mettait à part de la science et de la philosophie « les vérités de la religion ». Il avait une telle notion de l’incompréhensibilité divine, qu’il pouvait bien, d’un côté, admettre une révélation qui n’était qu’un mystère de plus ; mais, d’un autre côté, il considérait comme vaines les discussions sur les mystères. « Je révérais notre théologie », dit-il, mais « je pensais que, pour y réussir, il était besoin d’avoir quelque extraordinaire assistance du ciel et d’être plus qu’homme ». Dans le cours de leur enseignement, les jésuites séparaient assez volontiers la foi de la science, et permettaient toutes les études, toutes les lectures, pourvu qu’on réservât l’autorité de l’Église. Certaines sciences où il est inévitable d’entrer en conflit avec la théologie, telles que la critique historique, la géologie, l’anthropologie, n’existaient pas encore. Les jansénistes, moins tolé-