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condamnation de la justice

    vant le nom de la vertu ; et nous voulons élever nos cris contre tout ce qui est puissant.
    Vanité aiguë, envie contenue, peut-être la vanité et l’envie de vos pères, c’est de vous que sortent ces flammes et ces folies de vengeance.
    Ce que le père a tu, le fils le proclame ; et souvent j’ai trouvé révélé par le fils le secret du père.
    Nietzsche a peur d’être pris lui-même pour un de ces démocrates qui veulent reconstruire la société sur la base nouvelle de l’égalité humaine :
    Mes amis, je ne veux pas que l’on me mêle et que l’on me confonde.
    Il y en a qui prêchent ma doctrine de la vie ; mais ce sont en même temps des prédicateurs de l’égalité et des tarentules.
    C’est avec ces prédicateurs de l’égalité que je ne veux pas être môle et confondu. Car ainsi me parle la justice : — Les hommes ne sont pas égaux.
    Ils ne doivent pas non plus le devenir ! Que serait donc mon amour du Surhomme si je parlais autrement ?
    C’est sur mille ponts et sur mille chemins que les hommes doivent se hâter vers l’avenir, et il faudra mettre entre eux toujours plus de guerres et d’inégalités : c’est ainsi que me parle mon grand amour !



Zarathoustra compare ensuite magnifiquement la société humaine à un vieux temple dont il aperçoit les ruines et qui ne s’élève vers le ciel que grâce à la diversité de ses colonnes et aux forces contraires de ses arceaux.

    En vérité, celui qui dressa jadis ses pensées, édifices de pierre, vers les hauteurs, celui-là connut le secret de la vie, comme le plus sage d’entre tous !
    Que, dans la beauté même, il y ait encore de la lutte et de l’inégalité et une guerre de puissance et de suprématie, c’est ce qu’il nous enseigne ici dans le symbole le plus lumineux.
    Comme les voûtes et les arceaux se brisent ici divinement dans la lutte ! Comme la lumière et l’ombre se combattent en un divin effort.
    Ainsi, sûrs et beaux, soyons ennemis nous aussi, mes amis ! Efforçons-nous divinement les uns contre les autres[1] !

  1. Zarathoustra, trad. fr., 135-142.