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CHAPITRE V

morale des maîtres et morale des esclaves

idées sociales de nietzsche

démocratie. — socialisme. —anarchisme.

I


Le système de Nietzsche revient à l’antique doctrine des « deux morales », l’une pour les forts, l’autre pour les faibles, l’une pour les maîtres, l’autre pour les esclaves. À la démocratie, qui s’inspire des idées chrétiennes d’égalité et de fraternité, Nietzsche oppose, par réaction, une aristocratie païenne fondée sur le despotisme et la dureté. Il veut qu’on travaille à l’élaboration d’une espèce humaine supérieure qui naîtra des hommes supérieurs ; pour arriver à ce but, ceux-ci doivent fouler aux pieds tout ce qui leur peut faire obstacle, à commencer par les hommes inférieurs ou simplement ordinaires. Les héros de la pensée renieront la morale chrétienne, qui protège les humbles ou les petits et proclame tous les hommes égaux ; ils renieront même toute morale, chrétienne ou non, et s’élanceront par delà le bien et le mal, sur le vaste océan de la vie. La morale, comme la religion, n’est bonne que pour le peuple ; nous autres grands hommes, nous sommes au-dessus. Zarathoustra professe le plus souverain mépris pour ce qu’il appelle la canaille :

    La vie est une source de joie, mais, partout où la canaille vient boire, toutes les fontaines sont empoisonnées.