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nietzsche et l’immoralisme

attaché à la loi que cet iconoclaste de toute loi.

Ici comme presque partout, Nietzsche a pris soin de se rectifier lui-même. Dans son chant sur l’enfant et le mariage, Zarathoustra nous donne la plus haute idée de l’union entre l’homme et la femme :

    J’ai une question pour toi seul, mon frère : je jette cette question comme une sonde dans ton âme, afin que je connaisse sa profondeur.
    Tu es jeune et tu désires enfant et mariage. Mais je te demande : Es-tu un homme qui ait le droit de désirer un enfant ?
    Es-tu le victorieux, le vainqueur de toi-même, le souverain des sens, le maître de tes vertus ? C’est ce que je te demande.
    Ou bien la bête et la nécessité parlent-elles de ton désir ? Ou bien l’isolement ? Ou bien la discorde avec toi-même ?
    Je veux que ta victoire et ta liberté aient le désir d’un enfant. Tu dois construire des monuments vivants à ta victoire et à ta délivrance.
    Tu dois construire plus haut que toi. Mais il faut d’abord que tu sois construit toi-même, rectangulaire de corps et d’âme.
    Tu ne dois pas seulement te reproduire et te transplanter, tu dois aussi te planter plus haut. Que le jardin du mariage te serve à cela.
    Tu dois créer un corps supérieur, un premier mouvement, une roue qui tourne sur elle-même, tu dois créer un créateur.
    Mariage, c’est ainsi que j’appelle la volonté à deux de créer l’unique qui est plus que ceux qui l’ont créé. Respect réciproque, c’est là le mariage, respect de ceux qui veulent d’une telle volonté.


Ainsi la femme n’est plus le simple jouet, le simple délassement du guerrier. Elle est un être digne du grand respect, et aussi, sans doute, du grand amour, non moins nécessaire que l’homme même pour créer le surhumain, pour conduire l’humanité à un but qui la dépasse. Que devient alors cette loi rigide, à la romaine, qui fait de la femme une propriété, une esclave, qui la lie irrévocablement à son époux, sans que les mauvais traitements de celui-ci lui donnent le droit d’échapper à la servitude ? Nietzsche fait des faux et mauvais mariages une satire sanglante : comment veut-il donc en faire des « institutions indissolubles » sans espoir de réparer une