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nietzsche et l’immoralisme

cité pour le dévouement a sa source dans une surabondance de vie morale. » Nietzsche souligne et approuve : « gut ! » Ne voit-il donc encore dans celle surabondance que l’expansion du désir de puissance, tandis que Guyau y voit surtout celle du désir d’union et d’amour ?

« Il y a toujours dans l’héroïsme quelque naïveté simple et grandiose… Les cœurs les plus aimants sont ceux qui sont le plus trompés, les génies les plus hauts sont ceux où l’on relève le plus d’incohérences. » Nietzsche souligne et met N. B.

« Il y a aussi des instants de la vie où il semble qu’on soit sur une cime et qu’on plane : devant ces instants-là, tout le reste devient indifférent. » — « Oui », s’écrie Nietzsche.

Il a dû se reconnaître encore en partie dans la page 113, par lui remarquée, où Guyau parle de l’antique doctrine d’Ariston qui n’admettait « aucune différence de valeur, aucun degré entre les choses » ; un être humain, déclare Guyau à ce sujet, « ne se résignera jamais à poursuivre un but en se disant que ce but est au fond indifférent et que sa volonté seule de le poursuivre a une valeur morale… C’est l’analogue de ce travail qu’on fait accomplir aux prisonniers dans les prisons anglaises, et qui est sans but : tourner une manivelle pour la tourner ». — Tel est pourtant le travail que nous proposera tout à l’heure « le maître de l’éternel retour » ; Zarathoustra voudra créer des valeurs dans un monde où rien, en définitive, n’a de valeur ; il voudra les créer par un acte de puissance qui se déploie, en attendant que le retour fatal ail tout ramené au même point, que la grande année ait accompli sa révolution pour la recommencer encore, à l’Infini. Nietzsche a mis au bas de la page de Guyau cette exclamation mélancolique : « En vain, Umsonst ! » C’est l’exclamation qui revient tant de fois dans ses œuvres, quand il veut nous prêcher le consentement à l’éternelle vanité de l’effort humain.

Nietzsche a été vivement frappé par les pages bien