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Page:Fouillée - Nietzsche et l’immoralisme, 2e éd., 1902.djvu/222

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nietzsche et l’immoralisme

souffrir et de porter les péchés des hommes. Mais moi je nie réjouis du grand péché comme de ma grande consolation.
    Mais ces sortes de choses ne sont point dites pour les longues oreilles : Toute parole ne convient point à toute gueule. Ce sont là des choses subtiles et lointaines : les pattes de moutons ne doivent pas les saisir !


Ainsi revient toujours, chez Nietzsche, la doctrine optimiste qui fait du plus grand mal la condition du plus grand bien, sous le prétexte que le progrès, étant un déploiement de plus en plus grand de toutes les puissances, entraîne nécessairement un mauvais et un bon usage de ces puissances ; ou plutôt, pour Nietzsche, bon et mauvais sont des mots de la langue humaine : pour la nature, l’essentiel est que la force se déploie.

    Ayez aujourd’hui une bonne méfiance, hommes supérieurs ! hommes courageux ! hommes francs ! Et tenez secrètes vos raisons. Car cet aujourd’hui appartient à la populace.
    Ce que la populace a appris à croire sans raison, qui pourrait le renverser auprès d’elle par des raisons ?
    Sur la place publique on persuade par des gestes. Mais les raisons rendent la populace méfiante.
    Et si la vérité a une fois remporté la victoire là-bas, demandez-vous alors avec une bonne méfiance : « Quelle grande erreur a combattu pour elle ? »


Il y a dans cette satire plus d’une réflexion profonde, et il est certain que, auprès des ignorants, c’est souvent l’erreur qui fait triompher la vérité, en se mettant avec elle dans la lutte. Mais ce qui retombe au paradoxe, c’est la façon dont Zarathoustra traite les savants, ces chercheurs de vérité à tout prix.

    Gardez-vous aussi des savants Ils vous haïssent : car ils sont stériles ! Ils ont des yeux froids et secs, devant eux tout oiseau est déplumé.
    Ceux-ci se vantent de ne pas mentir : mais l’incapacité de mentir est encore bien loin de l’amour de la vérité. Gardez-vous !
    L’absence de lièvre est bien loin d’être de la connaissance ! Je ne crois pas aux esprits réfrigérés. Celui qui ne sait pas mentir, ne sait pas ce que c’est que la vérité.