Page:Fouillée - Nietzsche et l’immoralisme, 2e éd., 1902.djvu/299

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
275
conclusion

que l’individu sacrifie sa tendance actuellement la plus forte à la tendance la plus permanente dans l’espèce entière, ou même à la tendance la plus permanente chez lui. D’ailleurs, il y a une inclination éminemment durable chez l’individu comme chez l’espèce ; l’amour de soi. En subordonnant tout à l’amour de soi, comme le veut Stirner, comme le veut Nietzsche lui-même, on est sûr d’agir en vue d’une tendance durable, indestructible, qui reparaît et reparaîtra toujours. C’est donc lorsqu’on n’est pas égoïste, lorsqu’on ne se considère pas comme « unique », qu’on devrait surtout avoir du « remords ».

Enfin, si on examine de plus près encore les tendances les plus fortes et les plus permanentes de l’espèce, — résidu en nous des actions de nos ancêtres — on reconnaît qu’elles sont par cela même les survivantes et les indices d’un état 'antécédent de la nature humaine, Dès lors, suivre ces tendances, c’est marcher en mettant nos pieds là où les pas de nos ancêtres ont laissé les traces les plus profondes et les plus visibles. Nous ne faisons ainsi que continuer dans la même voie que nos ancêtres ; le seul idéal est alors de répéter ce que le troupeau a fait. Or, un tel idéal n’enveloppe point nécessairement l’idée d’un progrès, ni même d’une évolution ; la morale purement évolutionniste de la vie, au lieu de nous tourner vers l’avenir, finirait donc par nous retourner vers le passé. Pour éviter cette objection, il faut trouver des tendances qui, en même temps qu’elles résument le passé, anticipent l’avenir ; mais, une fois ces tendances dégagées des autres par la théorie, il restera toujours à savoir pourquoi l’individu doit s’y subordonner. La morale ne peut pas être une pure question de dynamique, un simple problème de forces, même conçues comme intensité de puissance intérieure. La « volonté de puissance », sous toutes ses formes, demeure un principe indéterminé.

M. Simmel, plus récemment, a de nouveau emprunté un critérium moral à l’idée d’un maximum quantitatif, dont il donne successivement trois formules : « — Fais