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Page:Fouillée - Nietzsche et l’immoralisme, 2e éd., 1902.djvu/300

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nietzsche et l’immoralisme

ce qui, directement ou indirectement, produit : 1° le maximum de volonté satisfaite, 2° le maximum de vie, 3° le maximum d’activité. » On ajustement remarqué en Allemagne l’analogie de ces principes avec ceux de Guyau sur la vie la plus intensive et la plus extensive. Mais le principe de Guyau n’enveloppait pas simplement la catégorie de quantité : Guyau voulait la fécondité de la vie, son expansion et sa direction centrifuge. La quantité brute n’exprimait pour lui que la « puissance », à laquelle doit s’ajouter l’ « ordre », c’est-à-dire une organisation de la puissance même en vue de quelque fin à atteindre. Cette fin, dans la morale de la vie, reste toujours à déterminer.

Pour l’atteindre, n’avons-nous qu’à nous abandonner au mouvement de la vie, comme le veut Nietzsche, et toute l’éthique tiendra-t-elle au pied de la lettre dans ces deux mots : sequere naturam, ou, si l’on veut : sequere vitam ? — Non, car la vie, soit individuelle, soit sociale, contient le germe de la discorde à côté du germe de la concorde. Une des lois capitales que la doctrine de l’évolution biologique a mises en lumière, et sur laquelle Nietzsche a tant insisté, c’est précisément la « lutte pour la vie ». Cette lutte, nous l’avons vu, n’empêche pas l’accord pour la vie : c’est ce que Guyau a fait voir, c’est ce que Nietzsche a trop oublié. La lutte peut aussi tenir aux circonstances du milieu plus qu’à la nature essentielle de la vie, malgré l’opinion de Nietzsche. Mais enfin, comme il y aura toujours pour l’activité humaine un milieu matériel et des nécessités matérielles, la lutte subsistera toujours sur certains points et y entraînera pour conséquence, dans l’avenir comme par le passé, un état de guerre plus ou moins sourde entre les intérêts, un conflit des tendances égoïstes et des tendances désintéressées. Or, l’objet de la morale, c’est précisément la paix, l’accord, l’harmonie. La morale doit donc opposer à la vie réelle, mélange de lutte et d’accord, une vie idéale, qui n’est pas pour cela, comme Nietzsche le prétend, en contradiction avec