Page:Fourier - Sur l'esprit irréligieux des modernes et dernières analogies 1850.djvu/13

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Le tort des philosophes dans cette affaire, est de n’avoir pas rectifié la politique religieuse, de n’avoir produit aucun système concurrent. Ils n’ont soufflé que l’esprit de parti et non celui d’unité. On a vu une foule de schismes, comme ceux de Luther et Calvin ; mais pas un culte qui ait su absorber la religion romaine, se l’identifier par des mesures purement politiques.

Manque-t-on de connaissances expérimentales ? Depuis quatre mille ans d’âges historiques, il a paru sur le globe une infinité de religions tellement contradictoires en dogmes et coutumes, qu’on ne peut pas désigner un crime qui n’ait été vertu dans quelque religion, ni une vertu qui n’ait été crime selon quelque autre culte. Assassinat, larcin, adultère, pédérastie, tout ce que nous appelons crime, a été chez quelques nations vertu religieuse. Les régicides étaient des saints chez le Vieux de la Montagne, chez les Romains et chez les régénérateurs de 1793. Le parricide est une œuvre-pie chez les sauvages, qui condamnent et mènent leur père à la mort. L’adultère est vertu chez une foule de peuples, qui offrent à l’étranger leur femme en signe d’hospitalité. La pédérastie, le vol et l’assassinat des ilotes étaient sentiers de vertu chez les républicains de Sparte qu’on nous propose dans les écoles comme modèles. Enfin, tout crime a obtenu des autels en quelques régions, et toute vertu a été crime dans quelques autres. Les Civilisés, qui s’érigent en arbitres exclusifs de la vertu, sont les plus adonnés à toutes les coutumes déclarées criminelles dans leur culte religieux.

Comment se fait-il que des parallèles de ces cultes nombreux et inconciliables on n’ait pas encore su déduire la division fondamentale de la politique religieuse en trois branches : la méthode de terreur, celle de séduction, et le mode mi-parti, division qui est la même en système administratif ?

Quant à l’option, l’alternative était la même pour les hommes que pour Dieu. S’il est évident que le gouvernement d’un prince comme Titus est plus facile à établir et à maintenir que celui d’un tyran comme Néron, n’était-il pas de même évident qu’il est plus aisé de fonder et maintenir un culte indulgent, séduisant comme celui de la mythologie, qu’un culte atroce comme celui d’Odin et de Mexico ?

Que penserions-nous d’un Mexicain ou d’un Scandinave qui se serait soulevé contre ses dieux altérés de sang ? Chacun le louerait d’avoir déserté leurs infâmes bannières. Mais l’enfer éternel, les démons, vipères, brasiers, du système romain, ne sont-ils pas cent fois plus révoltants que le dogme des farouches Scandinaves, assorti à des peuples grossiers, à qui il était prêché, tandis que le dogme romain des brasiers remplis de vipères, est présenté à des nations policées et parvenues au point d’apprécier l’odieux d’un tel dogme et de ses auteurs.