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LES HOMMES DU 14 JUILLET ;

Mais ce n’étaient là que des exceptions. La Bastille fut surtout, on pourrait dire uniquement, une forteresse et une prison : forteresse d’abord, prison d’État ensuite, sans cesser d’être une forteresse encore ; prison ordinaire enfin, sans cesser d’être, au moins en principe, une prison d’État.

À ce double point de vue, elle était bien dégénérée. Comme forteresse, sa déchéance datait de loin déjà. Elle avait joué la fin de son rôle sous la Fronde. Le dernier coup de canon qu’on y tira avant le 14 juillet 1789 fut celui de la Grande Mademoiselle au combat de la porte Saint-Antoine. Depuis lors, la Bastille n’avait plus que des canons pacifiques, dont toutes les décharges étaient des salves et qui ne tonnaient qu’aux jours de fêtes. Comme prison d’État, elle avait eu ses beaux jours sous Louis XI. Louis XIV, pour la première fois, y envoya des gens accusés de crimes de droit commun, mais qui avaient fait grand bruit et se rattachaient jusqu’à un certain point aux crime d’État. Il suffira de rappeler l’affaire des poisons, en faisant remarquer qu’on n’enferma les inculpés à la Bastille que lorsqu’ils eurent désigné comme leurs complices les plus hauts personnage du royaume. La Bastille resta dès cette époque particulièrement affectée à certaine catégorie de délinquants d’une nature équivoque et mystérieuse, chercheurs de pierre philosophale, vendeurs d’or potable et d’élixirs de longue vie, sorciers, magiciens,