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Page:Fournel - Les Hommes du 14 juillet, 1890.djvu/12

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LA BASTILLE EN 1789.

évocateurs du diable, légitimement suspects d’être en même temps, comme la Voisin, non seulement des escrocs, mais des marchands de drogues secrètes, de poudres de succession. Je ne parle pas des affaires de presse et de religion, qui étaient alors de vraies affaires d’État.

Au XVIIe siècle déjà, le régime habituel était peu sévère, et non pas seulement pour de grands seigneurs, comme Bassompierre, mais pour des roturiers, comme Lemaistre dit de Sacy, qui put consacrer tranquillement sa captivité à la traduction de Ancien Testament : comme La Porte, le valet de chambre d’Anne d’Autriche, emprisonné pourtant sous le cardinal de Richelieu, qui ne badinait pas, et pour une intrigue politique à laquelle le cardinal attachait une grande importance. Il est vrai que, tout en témoignant dans ses Mémoires de la liberté relative dont il jouissait, La Porte raconte qu’un maître des requêtes, pour lui arracher des aveux, le menaça de la torture et le fit descendre dans la chambre de la question, où il lui montra tous les instruments, avec les explications congruentes. On a souvent cité ce passage, mais on n’a jamais pu en citer d’autre[1], pour prouver l’usage de la torture à la Bastille, fût-ce à titre excep-

  1. Je trouve dans les Souvenirs inédits d’un prisonnier de la Bastille publiés par la Revue rétrospective actuelle, que certains prisonniers « sont interrogés par des commissaires establis pour cela par le Roy et mis, quelquefois, à la question » (t. IX, p.68). Mais c’était par décision des commissaires, jamais administrativement. Et ici encore on ne parle que par ouï-dire.