Page:Fournier - Le Théâtre français au XVIe et au XVIIe siècle, t. 2, Garnier.djvu/388

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Ne différez donc plus, la garde n'en vaut rien.

ALCIDON
.


Lysandre, il est certain : mais pour choisir un gendre,

Il s'en présente tant, qu'on ne sait lequel prendre.

Puis-je suis d'une humeur que tout peut contenter.

Pas un d'eux à mon gré ne se doit rejeter. [280]

S'il est vieux il rendra sa famille opulente ;

S'il est jeune, ma fille en sera plus contente ;

S'il est beau, je dis lors, beauté n'a point de prix ;

S'il a de la laideur, la nuit tous chats sont gris ;

S'il est gai, qu'il pourra réjouir ma vieillesse : [285]

Et s'il est sérieux, qu'il a de la sagesse ;

S'il est courtois, sans doute il vient d'un noble sang ;

S'il est présomptueux, il sait tenir son rang ;

S'il est entreprenant, c'est qu'il a du courage ;

S'il se tient à couvert, il redoute l'orage ; [290]

S'il est prompt, on perd tout souvent pour différer ;

S'il est lent, pour bien faire il faut considérer,

S'il révère les Dieux, ils lui seront prospères ;

S'il trompe pour gagner, il fera ses affaires ;

Enfin quelque parti qui s'ose présenter, [295]

Toujours je trouve en lui de quoi me contenter.

LYSANDRE
.


Que sert donc, Alcidon, une plus longue attente,

Si vous trouvez partout quelqu'un qui vous contente ?

ALCIDON
.


Quand je choisis un gendre, un qui va survenir

Me plaît, et du premier m'ôte le souvenir ; [300]

Si pour s'offrir à moi quelque troisième arrive,

Je trouve quelque chose en lui qui me captive.

LYSANDRE
.


Mais pour en bien juger, et pour faire un bon choix,

Il faut dans la balance en mettre deux ou trois ;

Ceux de qui le talent plus solide vous semble, [305]

Les peser mûrement, les comparer ensemble.

ALCIDON
.


C'est ce que je ne puis ; que sert de le nier ?

Je conclus sans faillir toujours pour le dernier.

LYSANDRE
.


Votre esprit est étrange.

FILIDAN
.


Objet de mon martyre.

ALCIDON
.


Dieux ! Qu'est-ce que j'entends. [310]