Ne différez donc plus, la garde n'en vaut rien.
Lysandre, il est certain : mais pour choisir un gendre,
Il s'en présente tant, qu'on ne sait lequel prendre.
Puis-je suis d'une humeur que tout peut contenter.
Pas un d'eux à mon gré ne se doit rejeter. [280]
S'il est vieux il rendra sa famille opulente ;
S'il est jeune, ma fille en sera plus contente ;
S'il est beau, je dis lors, beauté n'a point de prix ;
S'il a de la laideur, la nuit tous chats sont gris ;
S'il est gai, qu'il pourra réjouir ma vieillesse : [285]
Et s'il est sérieux, qu'il a de la sagesse ;
S'il est courtois, sans doute il vient d'un noble sang ;
S'il est présomptueux, il sait tenir son rang ;
S'il est entreprenant, c'est qu'il a du courage ;
S'il se tient à couvert, il redoute l'orage ; [290]
S'il est prompt, on perd tout souvent pour différer ;
S'il est lent, pour bien faire il faut considérer,
S'il révère les Dieux, ils lui seront prospères ;
S'il trompe pour gagner, il fera ses affaires ;
Enfin quelque parti qui s'ose présenter, [295]
Toujours je trouve en lui de quoi me contenter.
Que sert donc, Alcidon, une plus longue attente,
Si vous trouvez partout quelqu'un qui vous contente ?
Quand je choisis un gendre, un qui va survenir
Me plaît, et du premier m'ôte le souvenir ; [300]
Si pour s'offrir à moi quelque troisième arrive,
Je trouve quelque chose en lui qui me captive.
Mais pour en bien juger, et pour faire un bon choix,
Il faut dans la balance en mettre deux ou trois ;
Ceux de qui le talent plus solide vous semble, [305]
Les peser mûrement, les comparer ensemble.
C'est ce que je ne puis ; que sert de le nier ?
Je conclus sans faillir toujours pour le dernier.
Votre esprit est étrange.
Objet de mon martyre.
Dieux ! Qu'est-ce que j'entends. [310]