Je suis près du trépas,
Pour un philtre amoureux que j'ai pris par l'oreille.
Vraiment vous me contez une étrange merveille, [740]
Un philtre par l'oreille ?
Écoutez-moi, bons Dieux ;
J'entends un doux récit du coral de deux yeux,
De l'azur d'une bouche.
Ah Dieux ! Il me fait rire.
C'est de l'azur des yeux que vous me voulez dire,
Du coral d'une bouche.
Attendez un moment. [745]
C'est doncques l'un ou l'autre.
Ah ! Vous êtes amant
De quelques yeux d'azur, de quelque teint d'ivoire ?
L'ivoire n'en est pas, si j'ai bonne mémoire.
Mais c'est un tel amas de parfaites beautés,
De trésors infinis, de rares qualités, [750]
Que je suis, pour les voir, dans un désir extrême.
Sans doute il veut parler de la Nymphe qui m'aime.
Quoi, vous la connaissez ?
Ah ! Si je la connais ?
Cette Nymphe m'adore, elle vit sous mes lois.
Quelle vive douleur a mon âme saisie ? [755]
Fallait-il à mes maux joindre la jalousie ?
Ne suffisait-il pas de languir sans la voir ?
J'en pourrai bien ranger d'autres sous mon pouvoir,
Je me suis engagé de vous donner remède,
J'ai pitié de vos maux, allez, je vous la cède. [760]
Ô Prince généreux, courtois et libéral,
Donc j'obtiendrai par vous cet azur, ce coral ?
De gloire et de bonheur le ciel vous environne,
Que j'embrasse vos pieds.
Allez, je vous la donne.