Il me suffit, de vrai, d'avoir l'heur de vous voir.
Vous forcer de parler, c'est passer mon devoir :
Effroi de l'Univers, c'est par trop entreprendre. [1275]
Est-ce pour moi ce titre, ou bien pour Alexandre ?
Comment l'entendez-vous ?
Si ce titre est pour moi,
Comme m'appartenant aussi je le reçois :
Mais je le maintiens faux, si c'est pour Alexandre.
Vous tenez un discours que je ne puis comprendre. [1280]
Vous êtes Alexandre, et vous ne l'êtes pas ?
C'est par moi qu'Alexandre a souffert le trépas.
Vous l'êtes donc sans l'être ? À présent Alexandre
Est comme le Phoenix qui renaît de sa cendre ?
Car c'est lui qui revit, et si ce ne l'est plus ? [1285]
À peine j'entendais ces propos ambigus.
Mais, ô cher Alexandre, ô Prince qui m'embrase.
Laissons la Tragédie, on m'appelle Artabaze,
Plus craint que le tonnerre, et l'orage et les vents.
Artabaze est le nom de l'un de vos suivants, [1290]
Qui le fut de Darie ; ah ! Le voudriez-vous prendre ?
Ô Dieux ! Ne quittez point ce beau nom d'Alexandre.
Artabaze est le nom du plus grand des guerriers,
Dont le front est chargé de cent mille lauriers.
Faites-moi donc entendre ; est-ce métamorphose [1295]
Qui vous fait Artabaze, ou bien métempsychose ?
Quoi ? Vous dites aussi des mots de ce Sorcier
Qui fit la Tragédie ?
Invincible guerrier,
Alors qu'on vous crut mort par charme ou maladie,