Page:Fournier - Le Théâtre français au XVIe et au XVIIe siècle, t. 2, Garnier.djvu/426

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée



Scène III



 
Filidan, Amidor


FILIDAN
.


Je la vois cette belle ; à ce coup je la vois.

Cruelle, impitoyable, où fuyez-vous de moi ?

La mauvaise qu'elle est, je l'avais aperçue,

Mais l'ingrate aussitôt s'est soustraite à ma vue,

Elle a privé mes yeux d'un si divin plaisir. [1325]

Pour augmenter en moi la fureur du désir.

Amidor, je l'ai vue.

AMIDOR
.


As-tu vu cette belle ?

FILIDAN
.


J'ai vu comme un éclair cette beauté cruelle.

Mais ne l'as-tu point vue ? À quoi donc rêvais-tu ?

AMIDOR
.


Je rêvais au malheur des hommes de vertu. [1330]

Qu'en ce siècle ignorant les Auteurs d'importance

Languissent sans estime, et sans reconnaissance.

FILIDAN
.


C'est ainsi que parfois en des lieux écartés

S'offrent aux yeux humains les célestes beautés :

On les voit sans les voir ? Ces belles immortelles [1335]

Sont en même moment et douces et cruelles.

AMIDOR
.


Siècle ingrat ! Autrefois Sophocle eut cet honneur

Qu'en l'Île de Samos on le mit Gouverneur

Pour une Tragédie, ainsi qu'on le raconte :

Je devrais être un Roi pour le moins à ce compte. [1340]

FILIDAN
.


Dieux ! Qu'elle m'a laissé dans un ardent désir

De voir son beau visage avec plus de loisir.

AMIDOR
.


Quel homme enfla jamais comme moi sa parole ?

Et qui jamais plus haut a porté l'hyperbole ?



Scène IV



 
Filidan, Hespérie, Amidor, Sestiane


FILIDAN
.


Comme de sa beauté tu connais la grandeur, [1345]