Scène III
Je la vois cette belle ; à ce coup je la vois.
Cruelle, impitoyable, où fuyez-vous de moi ?
La mauvaise qu'elle est, je l'avais aperçue,
Mais l'ingrate aussitôt s'est soustraite à ma vue,
Elle a privé mes yeux d'un si divin plaisir. [1325]
Pour augmenter en moi la fureur du désir.
Amidor, je l'ai vue.
As-tu vu cette belle ?
J'ai vu comme un éclair cette beauté cruelle.
Mais ne l'as-tu point vue ? À quoi donc rêvais-tu ?
Je rêvais au malheur des hommes de vertu. [1330]
Qu'en ce siècle ignorant les Auteurs d'importance
Languissent sans estime, et sans reconnaissance.
C'est ainsi que parfois en des lieux écartés
S'offrent aux yeux humains les célestes beautés :
On les voit sans les voir ? Ces belles immortelles [1335]
Sont en même moment et douces et cruelles.
Siècle ingrat ! Autrefois Sophocle eut cet honneur
Qu'en l'Île de Samos on le mit Gouverneur
Pour une Tragédie, ainsi qu'on le raconte :
Je devrais être un Roi pour le moins à ce compte. [1340]
Dieux ! Qu'elle m'a laissé dans un ardent désir
De voir son beau visage avec plus de loisir.
Quel homme enfla jamais comme moi sa parole ?
Et qui jamais plus haut a porté l'hyperbole ?
Scène IV
Comme de sa beauté tu connais la grandeur, [1345]