moi et de temps à autre Armand Lavergne, le seul
écrivain d’attaque du groupe Bourassa. Il était,
comme rédacteur au Canada, sur le chemin des faveurs
ministérielles et des succès électoraux, quand,
dans les premiers mois de 1908, il vint spontanément,
au maigre salaire de vingt dollars par semaine,
me relever à ce poste de directeur du Nationaliste
dont la fonction obligée était de lutter à la fois
contre un personnel politique de forbans et une magistrature
politicienne, assoiffée de prostitution.
À ma suite et pour ma défense, il fit de la
prison. Il n’aima jamais l’argent, les jouissances
matérielles. D’avance il se savait exclu des triomphes
démocratiques par l’étendue de sa culture et
l’indépendance de son esprit. Contrairement à d’autres
— hommes parfaitement sincères d’ailleurs — qui
n’entendaient le service du nationalisme qu’avec
l’assurance d’un bon et solide revenu de deux ou
trois mille dollars par an, et qui ont continué, il
ne comptait pour rien le sacrifice de son bien-être,
de ses amitiés, de sa liberté. Je crois fermement
que, si on lui eût demandé sa vie, il l’aurait donnée.
Comment, alors, s’expliquer ce désabusement qui se traduit
dans ses écrits politiques à partir de 1910 ?
Son étude sur le nationalisme répond partiellement
à cette question. La réponse, j’en suis sûr, aurait
été éclatante et péremptoire si la mort n’était venue
interrompre cet impartial et lumineux exposé au
moment où l’auteur allait commencer l’examen des
Page:Fournier - Mon encrier (recueil posthume d'études et d'articles choisis dont deux inédits), Tome I, 1922.djvu/14
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