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UNE HISTOIRE DU TON-KIN[1]

Je m’en vais vous conter une histoire bien effroyable. Je la tiens d’un voyageur de profession, lequel arrive en droite ligne du Ton-Kin. Elle vous donnera une idée des mœurs de ce curieux pays.

Le Ton-Kin est une grande contrée d’Asie, au climat salubre, au sol fertile, mais encore plongée dans la plus profonde barbarie. Les hommes qui l’habitent sont des espèces de géants sanguinaires et féroces ; le plus petit d’entre eux ne mesure pas moins que le défunt Beaupré ; ils portent des anneaux dans le nez et se baignent les cheveux, tous les matins, dans l’huile rance ; leurs doigts, épais et velus, se terminent par des griffes. Deux dents entre-croisées, pareilles aux défenses des rhinocéros, sortent de leur bouche baveuse et menaçante. Ils boivent le sang de leurs ennemis et ils mangent les petits enfants.

Vous ne me croiriez pas, si je vous disais, après cela, que ces diables d’hommes possèdent un gouvernement depuis trente siècles… C’est pourtant la stricte vérité, au dire de mon voyageur.

  1. Paru dans le Devoir du 14 janvier 1910, et faisant partie d’une série de billets du soir.