pense ; ce qui prouve combien la fortune des municipes était alors considérable. Jamais, je crois, ce pays-ci n’a été plus riche, ni mieux administré. »
Bientôt devaient venir les invasions, puis la longue éclipse du Moyen-Âge… Mais on voit quand même assez que les Méridionaux ont bien quelque raison de vanter leurs origines latines. Ils ont été les premiers d’entre les barbares à sucer le lait de la majestueuse louve romaine. Ils ont connu, il y a deux mille ans, une civilisation telle que le monde n’en a pas depuis vu de pareille. Ils sont en France les fils aînés de l’Esprit.
Et c’est au Midi que la France doit l’essentiel de ses qualités : l’amour de l’art, le goût — et la gaieté, « cette divine enfance du cœur ». Elle lui doit aussi, je crois, dans le dernier siècle, au moins les trois quarts de ses grands poètes, pour ne rien dire de ses orateurs, depuis Gambetta jusqu’à M. Jaurès.
Malgré ces noms illustres, il y a des jours où la Provence, devant la montée d’une autre « civilisation », se croit revenue à quinze siècles en arrière, — aux jours proches de l’invasion wisigothe. Elle se demande avec inquiétude quels sont les bruits sourds qui lui arrivent du lointain et elle pense aux chevaux des barbares…