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COMME PRÉFACE

jours, ainsi que l’ouvrage qu’elles tâchent de justifier, le voile pudique de l’anonymat.

Mais des faits que je n’avais pas prévus se sont produits. Au lieu de faire paraître mon roman en brochure, ainsi que je me le proposais d’abord, je le cédai à un quotidien, qui le servit en feuilleton à ses lecteurs. Bientôt, un autre journal s’en emparait, pour le reproduire chapitre par chapitre, sous un titre différent, à deux semaines à peine d’intervalle.

J’ai alors connu qu’un écrit anonyme, une fois publié, n’est pas plus à l’abri du pillage que toute autre marchandise laissée sans étiquette sur la place publique — jambon, farine ou cassonade. Et comme ces pages, dépourvues de toute valeur littéraire, ont tout de même une certaine valeur commerciale, je me crois en devoir de protéger ma propriété en y inscrivant mon nom, non pas comme signature, mais comme noli tangere, comme étiquette.

Car vous m’accorderez que ce que j’écris m’appartient tout autant qu’à l’épicier du coin l’huile à lampe qu’il vous vend.