Chez vous, un jeune homme a toujours l’espérance, même s’il est pauvre, d’atteindre au succès après plusieurs années d’un travail persévérant : chez nous, le succès dans les lettres est une loterie pour laquelle il ne se vend que de faux billets et à laquelle on perd toujours à coup sûr. Chez vous, il y a, pour faire prendre patience aux travailleurs consciencieux qui tardent à voir venir les gros tirages, des fonctions diverses, des chaires d’université petites ou grosses : chez nous, un homme remplissant les mêmes conditions se décourage après quelques années d’épreuves et de sacrifices, et il devient avocat, médecin… ou épicier ; très-fréquemment il se fera journaliste, et je vous assure, Monsieur, que l’épicerie, en notre pays, est une profession bien plus intellectuelle et, surtout, bien plus propre que le journalisme.
J’ai regretté que la critique n’existât pas au Canada, et selon vous nous sommes, au contraire, bien heureux de n’avoir « ni Sarceys, ni Faguets, ni Doumics ». Et, ayant rappelé le Commentaire de Voltaire sur Corneille, les attaques des classiques de 1830 contre Victor Hugo, vous pensez porter le dernier coup à la critique par cette assertion peu banale, que le meilleur des critiques n’est, après tout, qu’un assassin. — C’est bien ce que vous voulez dire, n’est-ce pas, lorsque vous écrivez : « Le bon