des états d’âme qu’il n’a pas ressentis lui-même, au moins à un certain degré.
Il y a un siècle et demi que nous sommes séparés de la France. Au cours de cette période, combien d’événements n’avons-nous pas traversés auxquels les Français de France sont forcément restés étrangers ! Combien de choses nous ont passionnés dont ils ne pouvaient même pas soupçonner l’existence ! L’histoire, un climat différent, un autre gouvernement, une autre civilisation, les mille causes diverses, les mille influences mystérieuses qui pendant ces cent cinquante ans ont pesé sur la race, tout cela nous a façonné une mentalité spéciale, qui peut être bonne ou mauvaise, mais qui n’est plus, dans tous les cas, la mentalité des Français de France.
Le même enseignement ne saurait donc s’appliquer exactement, et avec les mêmes fruits, en France et au Canada, et c’est là, pour le professeur étranger, un premier obstacle.
Ce n’est pas le seul.
⁂ Même plusieurs mois après son arrivée, il n’a encore qu’une idée infiniment vague des connaissances et de la culture générale de son public, et c’est pourquoi il est si souvent obligé, dans ses dissertations, d’avancer pour ainsi dire à tâtons, partagé entre la crainte de n’être pas compris et celle d’insister ridiculement sur des détails connus.