— Oh ! depuis quelques années… Une profonde transformation s’est opérée dans les syndicats. Autrefois, les ouvriers protestaient contre les injustices, ils réclamaient de plus hauts salaires, des conditions de travail plus favorables. Mais aujourd’hui ce n’est plus la même chose : ce qu’ils exigent, c’est l’abolition même du salariat, c’est la révolution sociale la plus radicale, et par tous les moyens.
« En même temps que leurs revendications, en effet, leur caractère a tout-à-fait changé. À un moment donné, ils seraient capables de se livrer aux pires violences, de brûler les maisons, de tout mettre à feu et à sang… Pour moi, c’est là le grand problème de demain.
— Est-ce que le gouvernement, jusqu’ici, n’a pas réussi à réprimer, ou du moins à contenir, les tentatives d’émeute ou de troubles graves ?
— Cela ne prouve rien. Une révolution se réprime toujours jusqu’au moment où elle ne se réprime plus.
— En d’autres termes, on ne meurt qu’une fois ?
— Oui. Maintenant, quant à vous dire avec certitude ce qui arrivera, c’est une autre affaire. Pour le savoir, il faudrait d’abord connaître exactement les forces qui sont au fond du peuple, — forces formidables, mais dont la nature, jusqu’ici, nous échappe plus ou moins. »