Page:Fournier - Souvenirs de prison, 1910.djvu/30

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cachez-la ben sous vot’lit, pour qu’on ne la voie pas…

J’eus bien garde de contrarier cet excellent homme. Je n’avais pas plus envie, en ce moment-là, de manger du gruau que de m’aller pendre ; mais je pris gravement l’assiette, et la glissai sous mon lit.

— Merci, lui dis-je, et bonsoir !

— Demain matin, fit-il en se penchant à mon oreille, demain matin je tâcherai de vous apporter un œuf.

Et il s’en alla, — pour de bon cette fois…

Il ne nous restait plus qu’une quinzaine de minutes avant d’entrer dans nos cellules pour la nuit… je sortis donc au plus vite de la mienne, afin de jouir au moins de ces quelques instants de liberté relative. Malheureusement, j’avais à peine eu le temps de rejoindre mes deux intéressants camarades, dans le corridor opposé, que déjà le garde s’écriait en frappant dans ses mains :

— C’est l’heure d’aller se coucher… c’est l’heure d’aller se coucher…

— Mais il n’est pas encore cinq heures et demie… hasardai-je timidement.

— Ça ne fait rien, répliqua cet homme d’un ton péremptoire ; un quart d’heure de plus, un quart d’heure de moins, qu’est-ce que cela peut faire ?