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XVI

À l’infirmerie.

Le 18 juin, dans l’avant-midi, mon médecin, venu de Montréal tout exprès dans cette intention, se présentait au bureau du shérif.

— Monsieur, dit-il à M. Langelier, on m’apprend que Fournier, malade à la prison, est cependant tenu au strict régime de la cellule et du gruau. Il ne m’appartient pas de décider si, même en bonne santé, l’on devrait ainsi le confondre avec les condamnés de droit commun, — les voleurs et les assassins. Beaucoup de braves gens prétendent le contraire, et, comme citoyen, je ne vous cacherai pas que je partage leur sentiment… Mais ce n’est pas à ce titre que je me présente à vous ; c’est uniquement en ma qualité de médecin. Fournier est mon client, je sais qu’il est très malade depuis longtemps, et j’ai cru qu’il était de mon devoir de vous en prévenir moi-même. En prolongeant l’épreuve que vous lui imposez, en refusant de l’admettre à l’hôpital, vous ferez plus que de compromettre sa santé : vous le conduirez très probablement à une mort prochaine. Je vous le déclare sur mon honneur de médecin…

« Je n’ajoute qu’un mot. — Continuez, si bon vous semble, à priver mon client du traitement que réclame son état. Cela vous regarde. Seulement, s’il meurt des suites de ce régime, soit pendant son emprisonnement soit quelques semaines après être sorti des mains de vos geôliers, je vous préviens que je ne me gênerai pas pour écrire dans les journaux de médecine, sous ma signature, que vous avez commis un assassinat. Maintenant, faites comme vous l’entendrez… »

Le soir même, on me transférait à l’infirmerie. Pure coïncidence !


Ce fut donc le 18 au soir que j’entrai dans ce