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UN MURILLO

Ses progrès furent rapides ; et déjà des lueurs d’espérance commençaient à sourire à son ambition, lorsqu’une série de fatalités étaient venues renverser tous ses beaux rêves, et plonger le pauvre garçon dans l’accablement et la détresse.

Des malheurs impossibles à prévoir avaient fondu sur le toit paternel.

De fausses spéculations avaient entraîné le vieux notaire dans une ruine complète.

Et, le jour même où se vendait, par autorité de justice, la maison où Maurice était né, son père mourait d’apoplexie et de chagrin, ne laissant à ses héritiers qu’une police d’assurance sur la vie à peine suffisante pour empêcher sa pauvre femme, devenue aveugle, de tomber au crochet de la charité publique.

Elle avait été recueillie par une jeune institutrice, sa voisine — seul rejeton d’une ancienne famille seigneuriale tombée dans la pauvreté — qui avait spontanément offert à la mère de Maurice l’une des quatre chambres dont se composait le petit appartement réservé à l’institutrice, dans la maison d’école.

Tous les détails de ces cruels événements lui avaient été communiqués par cette jeune personne, qui, naturellement, avait dû servir de secrétaire à celle que la plus triste infirmité empêchait de tenir la plume.

Privé de la pension paternelle, le jeune peintre avait été forcé de négliger l’étude, pour se livrer presque exclusivement au travail du mercenaire en quête du repas quotidien.

Il avait dû, comme bien d’autres, se soumettre à