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Page:Fréchette - Les hommes du jour Wilfrid Laurier, 1890.djvu/10

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C’est dans ce même village — aujourd’hui Arthabaskaville — que nous renouâmes connaissance en 1870. Je fus frappé par l’élévation de cette intelligence, par la tournure si philosophique de cet esprit dont la multiplicité et la variété des connaissances étonnaient dans un pays où les hommes de profession croient se compromettre en lisant autre chose que les livres qui traitent de leur spécialité.

Mais il ne faut pas que mes souvenirs personnels me fassent trop anticiper sur l’ordre chronologique d’une biographie. Afin de procéder plus régulièrement, remontons jusqu’au 20 novembre 1841, jour où naquit, à Saint-Lin, comté de l’Assomption, celui de nos hommes publics, peut-être, qui ait encore su commander le plus universel respect dans le pays. Son père, M. Carolus Laurier, arpenteur de profession et citoyen sans reproche, mit le jeune Wilfrid au collège le moins éloigné — celui de l’Assomption — où, dès l’âge de treize ans, il commença à manifester la supériorité intellectuelle, l’amour de l’étude et la droiture de caractère qui devaient si hautement le distinguer plus tard. Il ne pouvait manquer d’être excellent élève et de mériter l’estime de ses professeurs ; cependant — c’est M. David qui le dit — cela n’empêcha point qu’il « se fit punir plus d’une fois pour être allé, sans permission, entendre plaider à la cour du village ou applaudir les orateurs politiques, la vocation s’affirmant en dépit du règlement. »

En 1860, on le retrouve à Montréal, feuilletant le Pandectes et la Coutume de Paris, dans l’étude de Me Rodolphe Laflamme, qui fut son collègue plus tard, à titre de ministre de la Justice, dans le cabinet Mackenzie.

Admis au barreau en 1864, il exerça sa profession durant deux ans, en société, connue il est dit plus haut, avec Médéric Lanctôt, ce journaliste et tribun tapageur dont la popularité fut un moment si bruyante, et qui devait s’éteindre dans une si triste obscurité. Ce milieu remuant ne convenait guère au tempérament calme et méthodique de Laurier ; et ce fut peut-être là une des raisons qui l’engagèrent à s’éloigner de Montréal, où les circonstances ne pouvaient manquer de le rendre plus ou moins solidaire des écarts de jeunesse où tombaient quelquefois certains libéraux trop enthousiastes pour être prudents.

Quoi qu’il en soit, Laurier eut bientôt acquis, dans le district où