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Page:Fréchette - Les hommes du jour Wilfrid Laurier, 1890.djvu/14

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Néanmoins, la défaite écrasante que subirent les libéraux, l’année d’après, n’atteignit nullement son prestige personnel. Il avait dit en rentrant au parlement — ces paroles sont reproduites en légende au bas d’une gravure de journal illustré, qui le représente hissant un drapeau sur un bastion : — « J’ai arboré l’étendard libéral sur la vieille citadelle de Québec, et je l’y maintiendrai. »

Il a tenu parole. Aujourd’hui, non-seulement la ville, mais encore le district de Québec sont devenus le château-fort du libéralisme dans la Province. M. Mercier a complété l’œuvre ; mais Laurier avait, en effet, glorieusement hissé le drapeau, et son nom ne contribue pas peu, encore à l’heure qu’il est, à soutenir et activer la brise qui souffle dans ses plis.

Maintenant, deux événements, dans la vie de celui dont j’ai entrepris d’esquisser le portrait, l’ont, entre tous, placé au rang des hommes exceptionnels : l’un, en faisant éclater de la façon la plus complète possible l’immense autorité que lui ont conquise son talent et son caractère ; l’autre, en mettant en relief toute la souplesse de ce talent, et découpant en saillie lumineuse la fière virilité de ce caractère ; l’un en posant sur son front une couronne que bien peu de ses compatriotes ont pu rêver de ceindre ; l’autre en le montrant victorieusement aux prises avec tout ce que les complications politiques, les haines de croyances et de races, unies à l’acharnement des factions, peuvent inventer pour paralyser les plus nobles efforts, déjouer la plus habile tactique, terrasser les plus puissants jouteurs.

Je veux parler de son élection comme chef du parti libéral pour toute la Confédération, et de sa grande tournée oratoire de l’année dernière dans la province d’Ontario.

La population française se trouvant, dans le pays, en face d’une population d’origine britannique quatre fois supérieure en nombre, il avait toujours été réputé très difficile, sinon impossible, pour un Canadien-Français, d’arriver au premier poste dans l’un ou dans l’autre parti, — non pas précisément à cause de l’intolérance des députés, mais à cause de la répugnance naturelle des masses à se mettre à la remorque d’un chef non choisi parmi les « nôtres, » one of ours.

Pour un parti, prendre un chef dans un groupe en minorité, c’est