Page:Frémont - Les Français dans l'Ouest canadien, 1959.djvu/102

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

au sud, plus à portée du nouveau groupement qui se formait. On eut soin d’utiliser les richesses artistiques importées de France : les fenêtres aux vitraux, la toile de l’Annonciation et la porte sculptée.

La plupart des ouvriers agricoles français et belges de la Rolanderie avaient eu la précaution de prendre des homesteads à leur arrivée. Ils y vécurent sans difficulté de leur travail, achetèrent une bonne partie des terres délaissées par leurs anciens maîtres et devinrent tous des agriculteurs prospères. Quatre ans après leur prise de possession, les Pères construisaient un presbytère. Les Sœurs de Notre-Dame-de-la-Croix ouvraient en même temps une école privée et un pensionnat.

À la suite d’un voyage d’étude fait à ce moment, Philippe Buffet déclarait nettement dans Le Vosgien, d’Épinal, que ce qu’il avait vu de mieux dans l’Ouest, comme établissement français, c’était Saint-Hubert. Et le visiteur s’attardait à décrire ce qu’il appelait pompeusement « Château-Renoult » :


« Château-Renoult » et son propriétaire

« La propriété de M. Émile Renoult, un Français des environs de Paris, se trouve entre Whitewood et la mission, un peu plus près de cette dernière. En passant à quelques centaines de mètres, le voyageur n’aperçoit qu’un bouquet d’arbres auprès d’une petite maison blanche, au milieu d’une immense plaine, et se demande si ce n’est pas là une espèce d’oasis comme celles que l’on trouve en Afrique. La maison est le home de M. Renoult : les bosquets d’arbres et le charmant jardin sont le résultat de ses travaux.

« Quand, il y a bientôt vingt ans, M. Renoult est allé établir son homestead, il n’y avait autre chose que la belle prairie et de petits lacs. Et maintenant, nous voyons là des arbres qui ont plus de vingt pieds de haut, des arbustes, des légumes et des fleurs de toutes sortes.

« Les arbres qui font l’ornement de la ville de Whitewood et de quelques maisons privées, à la campagne, sortent des pépinières de M. Renoult.

« C’est avec le plus vif intérêt que plusieurs colons suivent les expériences faites par M. Renoult sur la culture des arbres, des légumes et des fleurs. On trouve dans son jardin des jeunes chênes, frênes, sapins, ormeaux et des érables du Nord.

« Les petits fruits, tels que groseilles, cassis, maquereaux et autres, ont donné des rendements étonnants. Ce dont M. Renoult est fier surtout, c’est de ses rosiers remontants qui portent de jolies roses pendant plusieurs semaines. Il aime aussi beaucoup à montrer sa collection variée de fleurs européennes et canadiennes. On trouve encore dans ce jardin quelques greffes d’asperges qui ont donné cette année des tiges d’un pouce de diamètre et, en montant en graines, ont atteint une hauteur de six pieds. »

Comment Émile Renoult se résigna-t-il à délaisser ce coin enchanteur, œuvre de son cerveau et de ses mains ? Car le jardinier magicien s’éloigna de Saint-Hubert deux ans après la visite de Philippe Buffet, pour aller finir ses jours à Marq, en Seine-et-Oise. Ce célibataire avait à peine doublé le cap de la cinquantaine. Il avait été mêlé à toutes les entreprises de la colonie et surtout à l’affaire de la chicorée. Il avait exercé tous les métiers tour à tour jardinier, maçon, charpentier, et demeura jusqu’à la fin un passionné de la chasse. La culture proprement dite ne l’intéressait pas. De retour dans sa patrie, il eut à traverser les dures épreuves des deux Grandes Guerres. Émile Renoult mourut octogénaire, dans son village natal occupé. Plus d’une fois sa pensée dut se reporter vers « Château-Renoult » et son jardin délicieux…


Quelques figures de pionniers

Les époux Durand vécurent très vieux dans leur patrie d’adoption. On les considérait un peu comme les grands-parents de la paroisse. Le mari eut la joie d’en voir célébrer le cinquantenaire.

Jean Lesage et sa femme restèrent sur leur homestead jusqu’en 1920, date de leur retour en France. Quatre de leurs enfants les suivirent ; quatre autres sont demeurés au pays, dont trois à Saint-Hubert.

La famille belge François Beaujot, arrivée en 1892, logea dans la Maison blanche, la femme étant la ménagère de l’abbé Nayrolles. Son mari décéda la même année et la mère vécut jusqu’en 1904. Leurs deux fils, Eugène et Lucien, ont fait souche à Saint-Hubert.

Alexandre Jeannot, décédé en 1926, a laissé le nom de sa commune natale — Beynes (Seine-et-Oise) — à une localité sise entre Saint-Hubert et Whitewood.

Un nom inséparable de Saint-Hubert est celui du P. Benjamin Fallourd, qui y vécut quarante-cinq années et mourut parmi ses ouailles en 1949. Ce Vendéen solidement bâti fut d’une grande activité qui n’excluait pas les besognes manuelles. En travaillant sur un échafaudage avec les peintres occupés à la toilette de son église, il fit une chute très grave qui nécessita l’amputation d’une jambe. Il n’en continua pas moins son ministère pendant plus de vingt ans avec la même ardeur. Le P. Fallourd sut garder ses paroissiens unis et attachés au sol en procurant aux jeunes des amusements sains : cinéma, jeux sportifs, soirées théâtrales, etc. L’Hospice Jeanne d’Arc pour les vieillards, fondé il y a plus de trente ans, a été l’objet de son attention particulière.

Avant 1914, il y eut aussi le P. Jacques Libert, de Nantes. Revenu sain et sauf à Saint-Hubert après avoir fait toute la guerre, il y succomba à la grippe espagnole. C’est encore un religieux français des Pères de Chavagnes, le P. Joseph Bordet, qui dirige la paroisse.