Page:Frémont - Les Français dans l'Ouest canadien, 1959.djvu/103

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Derniers vestiges du passé

Toute trace de la période romantique n’a pas entièrement disparu. La Maison de la Rolanderie existe toujours, bien que septuagénaire. Des quelques demeures entourées d’arbres et de jardins construites par les premiers colons gentilshommes à Whitewood, une seule a survécu, celle du comte de Soras, délicieusement ombragée par les grands pins qu’il y avait plantés.

À 500 mètres de l’église actuelle, la Maison blanche d’Yves de Roffignac, qui avait abrité les frères Brabant et la manufacture de chicorée, avait été plus tard habitée par l’abbé Nayrolles, devenant ainsi le premier presbytère. Elle fut achetée en 1904 par Alexandre Jeannot, qui la transporta près de la route. Il y a une quinzaine d’années, son fils, Lucien, démolissait cette demeure historique, dont les matériaux encore utilisables entrèrent dans la construction d’une autre plus vaste et mieux adaptée aux besoins de la vie moderne.

Quant aux derniers vestiges de la coquette chapelle de 1890 — vitraux, porte sculptée, tableau de l’Annonciation — pieusement conservés dans la structure de la nouvelle église, ils disparurent dans l’incendie de cette dernière qui réduisit tout en cendres (1935). À côté de l’endroit où s’élevait la primitive maison de Dieu, un cairn surmonté d’une croix en commémore le souvenir. Tout près, une douzaine de tombes marquent le lieu de sépulture des premiers morts de la paroisse naissante.

Avec la disparition des derniers témoins, l’histoire des débuts spectaculaires de Saint-Hubert a presque sombré dans l’oubli. Ils furent pourtant la pierre d’assise d’une fondation durable qui met en relief les qualités foncières de notre race. Les sympathiques gentilshommes de la fin du siècle dernier échouèrent dans leur projet de créer une réplique avantageuse de la vieille France ; mais ils ouvrirent la voie à des compatriotes dont les efforts patients et laborieux ont abouti à l’épanouissement de l’un des beaux centres franco-catholiques de l’Ouest canadien.[1]

  1. Le R. P. Benjamin Fallourd a reconstitué, au prix de patientes recherches, les diverses phases de la Rolanderie et les débuts de Saint-Hubert. Ses notes, publiées dans La Liberté et le Patriote (1941-1942), m’ont été précieuses. J’ai aussi utilisé l’article de Mrs A. E. M. Hewlett, France on the Prairies, dans le Beaver, de Winnipeg (mars 1954).