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quarante ans d’un service particulièrement actif. Il revit la France, mais l’idée d’y finir ses jours ne l’effleura pas. Ce Canadien cent pour cent ne pouvait plus vivre ailleurs que dans l’Ouest. Il passa ses dernières années à l’Hospice Taché, de Saint-Boniface, gardant jusqu’à quatre-vingt-huit ans son énergie, son optimisme et sa bonne humeur. Et c’est dans le cimetière catholique de Swift-Current qu’il choisit le lieu de son dernier repos.

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Gull Lake, à l’ouest de Swift-Current, rappelle l’un de ses curés, l’abbé Adolphe Erny. Né à La Rochelle, il avait terminé ses études au Canada. Ce prêtre très actif, qui exerça aussi son ministère à Rosetown et à Meyronne, s’occupa de colonisation et fut l’un des fondateurs du Collège de Gravelbourg, mourut à cinquante-cinq ans.

À 60 kilomètres au sud de Gull Lake se fonda en 1908 une colonie Jeanne d’Arc, d’existence éphémère. Jean Buffet, ex-inspecteur des finances, fils de l’ancien sénateur et ministre, y avait établi un magasin-restaurant. C’est le même qui mit sur pied, un peu plus tard, la Caisse hypothécaire canadienne.

Demaine, non loin de la rivière Saskatchewan du Sud, n’a rien de français, malgré son nom. On y trouve cependant une Bretonne mère de cinq enfants, à la tête d’une grande ferme de culture et d’élevage. Le chef de la famille, Victor Fleuter, venu de Scaër (Finistère), en 1905, à l’âge de 19 ans, avait réussi par son travail à devenir propriétaire de deux sections. Il se noya dans un lac en tentant de sauver son aîné, un garçon de 11 ans, qui s’était imprudemment aventuré sur la glace. C’était en pleine période de dépression et de sécheresse. La veuve, restée seule avec cinq enfants en bas âge, connut des années très dures : mais la situation s’améliora avec le temps. À 60 ans passés, Mme Fleuter dirige toujours son exploitation agricole, aidée de deux de ses fils ; un autre possède sa propre ferme à côté, et sa fille unique, institutrice, a épousé un cultivateur allemand.

Dans cette vaste région de culture extensive, où toutes les races se coudoient en faisant bon ménage, on trouve ici et là des familles françaises isolées, qui réussissent comme les autres, mais risquent de se fondre dans la masse anglo-saxonne.[1]

  1. Abbé Albert Royer, Excursion d’un missionnaire en 1907, Clermont-Ferrand, 1908.

    Grégoire Le Clech. Sur la piste des émigrants bretons en Amérique (Penn ar Bed).

    Abbé Clovis Rondeau, La Montagne de Bois. Québec, 1923.

    Frédéric Bronner, Nouveaux Canadiens, Toronto, 1950.