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Voici d’autres colons venus à Duck-Lake peu après les premiers, tous avec peu ou point de capital : François Verneray, René Bonnet, François Conan, Charles Paul, François Blanchard, Jean Pogu, Clément Mercereau, Cyrille, Charles et Joseph Kleine, Firmin Bouvard, Pierre Sache, B.-J. Perret, Joseph Mièvre, Paul Lemauviel.

Un ancien policier parisien, Eustase-Delphin Courant, né à Trepot (Doubs), était au service de la compagnie Révillon Frères lorsqu’il décida de venir au Canada, en 1917, avec sa femme, née Bronchard. À trois reprises il alla faire des séjours en France, mais revint à Duck-Lake, où il vécut jusqu’à l’âge de quatre-vingt-quinze ans.

Le curé de Duck-Lake fut, pendant vingt ans, le P. Victor Pineau, de la Mayenne. Il desservait en même temps le petit centre voisin de Carlton, devenu depuis Titanic, où l’on trouvait aussi des Français. Entre autres : François Ripaud, de Corps (Vendée), qui s’acquit une grande renommée comme rebouteur ; Julien-Claude Bonthoux, de Rencurel (Isère), Jacques Pajot, Gustave Mandin, Pierre Fiolleau, Louis Duinat, Berchmans Rio.

Le premier Carlton remonte à 1902, avec l’arrivée de quatre Bretons, des Côtes-du-Nord, accompagnés de leurs femmes et de leurs enfants : Jean Robin (neuf), Emmanuel Bienvenue (quatre), Gildas Le Moël (deux), Mathurin Bourdois (quatre). Ses habitants sont en majorité des descendants de ces quatre pionniers. Depuis six ans, Carlton a sa propre église.

Dès 1834 partaient de Saint-Jean-de-Corcoué (Loire-Atlantique) les familles Pogu, Fiolleau, Mercereau et Lorteau. Cette dernière devait s’établir au Manitoba, mais les trois autres poussèrent jusqu’à Duck-Lake. Il y eut entre les enfants de cette même paroisse d’outre-mer plusieurs alliances et leurs nombreux descendants habitent toujours la région. Ainsi, Pierre Fiolleau, de Titanic, venu à 21 ans, qui épousa Élise Mercereau et qui mourut en 1956, à quatre-vingt-trois ans, avait eu cinq filles et cinq fils, tous mariés dans le voisinage. Il laissa trente petits-enfants et trois arrière-petits-enfants. Avec des postérités de même ordre dans les autres familles, on devine que les ramifications du petit noyau nantais de 1894 embrassent un assez fort contingent de population.

C’est à Titanic que s’établit aussi, au début du siècle, un médecin nantais très connu. Il arrivait avec sa femme et treize de leurs quatorze enfants pour prendre possession d’une section entière. Les apôtres de la colonisation saluèrent en lui le « colon modèle ». Mais son souci premier, en quittant la France, avait été de se soustraire à un régime politique honni. Cela ne pouvait tenir lieu de vocation agricole, et le docteur n’était plus d’âge à se lancer dans une carrière nouvelle. D’autre part, la formation reçue par ses filles et ses fils ne les préparait nullement aux travaux de la ferme. Après une série de cuisantes expériences, la famille passa aux États-Unis. Le médecin eut la bonne fortune de pouvoir revenir à sa profession et la plupart des enfants entrèrent dans des communautés religieuses.

L’abbé Le Sann, un Breton habitant aujourd’hui Victoria, fut plusieurs années curé de Titanic.


Domremy et Bonne-Madone

Domremy, à une douzaine de milles à l’est de Saint-Louis, fut baptisé, dit-on, par Auguste Bodard. Il y avait là trois familles et deux célibataires canadiens lorsque les premiers Français firent leur apparition en 1894 ou 1895. Le plus grand nombre des Bretons et des Vendéens : Pierre-Marie Agaesse, de Saint-Gilles (Ille-et-Vilaine), dont le père, âgé de soixante-douze ans, allait le rejoindre cinq ans plus tard ; Pierre Rabut, de Beauce (Ille-et-Vilaine) ; Auguste et Pierre Joubert, de Mareville-sur-le-Lay (Vendée). Parmi ceux venus plus tard, les frères Georget, Paul Gorieu, Léon Ménage, Baudais, Jean Denis, F. Masson, Arthur Gaudet, Constant Trumier, Pierre-Marie Marsollier, la famille Blondeau.

Après un demi-siècle passé sur la ferme, Paul Gorieu, né à Rennes et venu à Domremy en 1904, se retira sur ses vieux jours à Prince-Albert où il mourut. Parmi les cinq enfants qu’il a laissés, mentionnons le R. P. Paul Gorieu, O.M.I., qui collabora à La Liberté et le Patriote, ainsi qu’à la Northwest Review et à l’Ensign, avant de devenir aumônier du Corps royal d’aviation canadienne, ce qui lui valut de séjourner plus d’un an en Allemagne. Le R. P. Gorieu est actuellement directeur du centre des retraites fermées à Saint-Boniface,

Le nom de Domremy se trouva mêlé — oh ! bien innocemment — à une affaire qui fit beaucoup de bruit en France et au Canada au début de 1906. L’intérêt qu’elle garde aujourd’hui est d’ordre purement linguistique, et c’est ma seule raison pour l’évoquer.

Un homme en vue de la société parisienne était disparu, avec une mise en scène visant à faire croire à un attentat criminel ; mais on soupçonna tout de suite une fugue à l’étranger. À Québec, un jeune reporter au flair de détective le dépista en scrutant la liste des passagers d’un paquebot en route pour le Nouveau Monde. Au port de débarquement, le fugitif était arrêté, avec la gouvernante de ses enfants. Le rapport adressé à Paris par les autorités policières du Canada pour motiver le rapatriement de l’émigré clandestin le qualifiait de personnage « indésirable ». Le terme était complètement nouveau pour les Français, mais on le trouva si heureux qu’il obtint sans délai ses lettres de naturalisation

La jeune fille, qui dut aussi faire demi-tour, allait occuper un poste d’institutrice à Domremy.

L’abbé Barbier, homme très actif, futur curé de Domremy et de Saint-Brieux, prit un jour la route du lac Croche, à quelque dix-huit milles de Batoche. Il y avait là un petit groupe de colons, dont plusieurs originaires de France. Le prêtre baptisa l’endroit du nom