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Après la dernière guerre, des douzaines de Basques vinrent en Colombie-Britannique. Plusieurs furent admis sans passeport, la bonne réputation de leur race tenant lieu de garantie suffisante. Ils travaillèrent comme des géants à la construction des vastes usines de Kitimat et de Kemano. La plupart sont retournés au pays basque avec tous leurs petits sous. L’exploitation forestière attire également ces bûcherons nés. Pierre Haramboure emploie des compatriotes dans les camps de l’Elk River. On peut y rencontrer aussi de jeunes ingénieurs forestiers français venus s’initier aux méthodes canadiennes.


Maillardville, agglomération de langue française

L’industrie forestière est à l’origine de l’unique agglomération de langue française de la Colombie-Britannique. Maillardville, ainsi nommée de son premier curé, le P. Edmond Maillard, occupe une colline dominant la vallée du Fraser, non loin de New-Westminster. La banlieue de cette ville possède de grandes scieries qui requièrent une main-d’œuvre nombreuse. En 1909, on fit appel à la province de Québec, capable de fournir des ouvriers experts dans ce genre de travail. Il vint alors soixante-quinze familles, qui s’installèrent sur les terrains de la compagnie Fraser Mills.

Des esprits « sages » n’hésitèrent pas à voir dans cette initiative une erreur au point de vue de la langue et de la survivance. Il était évident, disait-on, que ce petit groupe franco-catholique noyé dans l’ambiance anglo-protestante ne pourrait résister à l’assimilation. Les événements ont déjoué les prédictions des prophètes de malheur. Pendant longtemps on n’entendit guère parler de Maillardville, qui eut pour curés, entre autres, deux Prémontrés belges, les PP. A.-L. de Lestre et F.-X. Teck. Cependant la paroisse originale, Notre-Dame-de-Lourdes, dont les cadres débordaient, a dû se démembrer et en former une autre, Notre-Dame-de-Fatima. Toutes deux renferment au total plus d’un millier de familles. Ce centre colombien représente ainsi l’agglomération de langue française la plus considérable de l’Ouest, après Saint-Boniface. Il s’est montré récemment un revendicateur résolu de la justice scolaire et la minorité catholique de la province lui doit la reconnaissance de certains droits jusqu’alors ignorés. L’enseignement bilingue y est donné dans trois écoles tenues actuellement par des religieuses venues de la province de Québec ; mais les premières institutrices furent des Sœurs françaises de l’Instruction de l’Enfant-Jésus.


Les francophones se groupent à Vancouver et ailleurs

L’exemple de Maillardville influença-t-il les compatriotes de la métropole voisine ? Celle-ci comprenait plusieurs milliers de personnes de même langue et de même croyance vivant côte à côte sans assez se connaître, faute de solide organisation. En vue d’obtenir le groupement désiré, on fonda en 1927 une « Association Canadienne-Française ». Pierre et Jean-Baptiste Paris, les Bessuille, de la Giroday (grande famille originaire de l’île Maurice, mais de culture française) y travaillèrent de tout cœur avec des amis canadiens. Le succès fut appréciable, bien que jugé trop lent. La « Société des Dames de langue française », formée depuis peu, décida de prendre l’affaire en main. William-P. Lévêque, ardent patriote venu de Saint-Boniface, songea à établir une branche de la Société Saint-Jean-Baptiste, mais l’autorité ecclésiastique ne crut pas le moment opportun pour une initiative de ce genre. Impatient d’agir, il lança, avec les zélés de la première heure, le « Club Montcalm » qui fut une réussite, non seulement dans le milieu canadien-français, mais aussi parmi la société anglaise et les meilleurs éléments de la ville. L’Alliance française et le Comité France-Canada accordèrent leur appui chaleureux. Sous la direction artistique de Lévêque, on donna des représentations théâtrales et musicales de premier ordre. Le résultat financier fut tel que le Club Montcalm, bientôt installé dans ses meubles, put offrir un vrai foyer aux gens de langue française et à leurs amis.

Mais le conflit mondial de 1939, en concentrant toutes les énergies et tous les fonds disponibles vers l’effort de guerre, obligea la maison Montcalm à fermer ses portes. Cependant cette longue période de coopération fervente allait porter des fruits inattendus dans les années qui suivirent. En même temps que Maillardville était dotée d’une seconde paroisse française, Vancouver avait aussi la sienne, confiée aux Pères du Saint-Sacrement, de Montréal. Ils ont pleinement réussi à édifier église et école de style coquet au centre de la métropole du Pacifique, qui comptait alors environ 7,000 francophones. Peu après, Victoria et Port-Alberni, dans l’île Vancouver, avaient aussi leurs propres communautés paroissiales franco-catholiques. Avec l’addition récente de New-Westminster, cela porte à six, pour le moment, le nombre des paroisses de langue française en Colombie-Britannique. Chacune vise naturellement à se doubler d’une école privée bilingue. C’est chose faite pour Maillardville et Vancouver ; les autres suivront.

Cette affirmation de l’élément français dans un milieu où il avait paru longtemps presque moribond fut, pour une bonne part, l’œuvre de la « Fédération canadienne-française de la Colombie-Britannique », fondée à la fin de la seconde Grande Guerre. Calquée sur celles des autres provinces de l’Ouest, cette société a réussi à grouper les francophones plus ou moins épars au moyen d’une dizaine de cercles établis dans les groupements les plus favorables. Les Franco-Canadiens venus des provinces de la Prairie occupent une place intéressante dans ce mouvement. Ils y apportent une expérience qui a donné d’heureux fruits ailleurs. Les Français d’Europe, moins nombreux, font généreusement leur part. C’est un Belge, M. Arthur Chéramy, qui a été le premier président général