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pendant vingt-neuf années le poste de conseiller de la municipalité de Lorne et travailler activement en faveur du district. Marc Moreau est décédé en 1956, laissant son épouse et neuf enfants.

Azarie Encontre, né à Saint-Guste (Aveyron) en 1881 et venu à Saint-Lupicin en 1907, vécut aussi jusqu’en 1956 et laissa onze enfants.

Un survivant des anciens est Édouard Brunel, de la Haute-Loire, retiré à Saint-Boniface. Deux fils et deux filles demeurent sur la terre. Également à Saint-Boniface les époux Paul Bergeron, dont le fils, Henri, après avoir débuté comme speaker à Radio-Saint-Boniface, est aujourd’hui attaché au poste de télévision français de Montréal.

Depuis son détachement de Notre-Dame-de-Lourdes, il y a trente-cinq ans, la paroisse n’a connu qu’un seul pasteur : l’abbé Joseph Picod. Né à Burignat d’Aromas (Jura) et ayant vieilli avec ses ouailles, il est maintenant octogénaire,


La fin de l’œuvre colonisatrice de dom Benoît et de son Institut au Manitoba

La colonisation française dans la région de Pembina fut donc l’œuvre de dom Benoît et de ses frères en religion. De Notre-Dame-de-Lourdes ils étendirent leurs ramifications à Saint-Claude, Saint-Léon, Saint-Alphonse et Saint-Lupicin, au Manitoba, puis jusqu’à Bonne-Madone, en Saskatchewan, et à Végreville. en Alberta.

Au physique, dom Benoît était le type classique du moine des temps anciens : grand, maigre, figure osseuse et anguleuse, regard ardent et sévère, large front du penseur ; bref, tous les traits qui caractérisent une nature d’une énergie extrême et d’une grande austérité. Au moral, un géant par la puissance de sa volonté, aussi bien que par l’ampleur et la variété de ses œuvres. Dom Antonio Champagne, qui vécut à ses côtés pendant plus de huit ans et fut son secrétaire particulier, demeure confondu par la somme de travail quotidien qu’il fournissait. Colonisateur, professeur, supérieur de communauté, écrivain, curé, il entretenait en outre une correspondance formidable avec les évêques, ses supérieurs d’outre-mer et les parents des colons dont il avait la tutelle.

Austère pour lui-même, ne connaissant aucune borne à ses forces physiques et morales, dom Benoît était convaincu que les autres pouvaient l’imiter. Ce qui conduisit plusieurs de ses sujets au découragement. Pas un de ses trois compagnons de la première heure ne persévéra dans la communauté. Ce fut aussi le cas d’un grand nombre de jeunes novices attirés par la vie monastique. Avec ses paroissiens, il n’avait foi qu’en la manière forte et préconisait l’intervention de l’autorité civile. Comme son supérieur dom Gréa, c’était un homme du XIIIe siècle transporté dans le XIXe. Leur idéal consistait, d’ailleurs, à revenir au moyen-âge monastique et canonique. Le disciple allait même plus loin que son maître.

En 1913, l’Institut des Chanoines réguliers subit de graves réformes internes qui abolissaient les observances, jugées trop sévères, auxquelles étaient astreints les religieux. Dom Benoît fut destitué de ses fonctions de supérieur et envoyé à Saint-Léon. Dom Antoine Chalumeau, de Villevieux (Jura), venu au Manitoba en 1892, lui succéda. Tous les autres membres demandèrent et obtinrent leur passage dans le clergé séculier. Ceux qui faisaient du service paroissial demeurèrent à leurs postes.

Dom Benoît passa en France, gardant toujours l’espoir que Rome reviendrait sur sa décision. Il mourut à Saint-Chamont (Rhône) en 1915. Dix ans plus tard, ses restes furent ramenés à Notre-Dame-de-Lourdes. Une grande croix en pierre de Tyndall, au centre du cimetière, marque le lieu de sépulture de l’inoubliable fondateur.

Les Chanoines réguliers n’eurent plus dans l’Ouest que la paroisse de Notre-Dame-de-Lourdes. Au départ de dom Chalumeau, en 1932, dom Antonio Champagne, Canadien du Manitoba, devint le troisième curé. Les religieux quittèrent définitivement, en 1948, la paroisse qu’ils occupaient depuis cinquante-sept ans.

Le curé actuel, l’abbé Marcel Dacquay, est un enfant de Notre-Dame-de-Lourdes. Son père, venu du Morbihan en 1905, y avait acheté l’année suivante une terre qu’il exploita longtemps et que dirige aujourd’hui l’un de ses fils. Dernier d’une famille de sept enfants, Marcel partit à l’âge de sept ans, avec un autre frère, sous la conduite du père, pour aller faire ses études en France. L’aîné revint après quatre années de cours primaire, tandis que le plus jeune entrait au collège et, plus tard, au Grand Séminaire de Vannes.


Notre-Dame-de-Lourdes fournit deux prêtres-soldats à l’armée française de la dernière guerre

Lorsque l’abbé Dacquay fut mobilisé, en août 1939, il était sous-diacre. Grâce à un congé de convalescence, il put recevoir la prêtrise en février 1940. Sa participation aux hostilités le retint plusieurs mois en Alsace-Lorraine. Fait prisonnier le 21 juin 1940, il dut traverser toute l’Allemagne en wagon à marchandises pour aboutir à Stettin, sur l’Oder, où il connut presque cinq ans de captivité. Les Russes devaient le délivrer, avec ses camarades, le 1er mai 1945. Rentré en France, le jeune prêtre fut vicaire à Quéven, dans le diocèse de Vannes, jusqu’en septembre 1949, époque à laquelle il revint au Manitoba. Deux ans après, il était nommé curé de Notre-Dame-de-Lourdes.

Un autre ecclésiastique enfant de la même paroisse est l’abbé Henri Donze, aumônier national de l’Action catholique à Paris. Son père, Louis Donze, avait quitté sa ville natale de Tourcoing (Nord) en 1907, pour venir s’installer à Notre-Dame-de-Lourdes, où il se maria deux ans plus tard. Il retournait