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Page:Frémont - Les Français dans l'Ouest canadien, 1959.djvu/67

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tiellement poitevines et charentaises de la population canadienne de langue française. Contrairement à l’opinion générale, acceptée un peu à la légère, les Canadiens français ne sont pas en majorité issus de Normands. René Caillaud a démontré, avec preuves à l’appui, que l’apport du Grand Poitou — qui comprend, en dehors du Poitou proprement dit, l’Aunis, la Saintonge et l’Angoumois — est trois fois plus considérable que celui de la Normandie.


Saint-Adolphe et les Filles de la Croix-Saint-André

Au sud de Saint-Norbert, à Cartier, les Fils de Marie-Immaculée — mieux connus sous le nom de Pères de Chavagnes (Vendée) — s’installaient en 1903 sur une propriété. Ils y fondèrent un juniorat qui ferma ses portes lorsque les religieux acceptèrent temporairement la direction du petit séminaire de Saint-Albert (Alberta). Nous les retrouverons plus loin.

C’est dans le village voisin de Saint-Adolphe, sur l’autre berge de la rivière Rouge, que se trouve le pensionnat bien connu des Filles de la Croix, dites Sœurs de Saint-André, de La Puye (Vienne). Arrivées dans l’Ouest vers le même temps, elles se sont fait un nom comme éducatrices au Manitoba et en Saskatchewan. Leur maison provinciale, d’abord à Saint-Adolphe, a été transportée à Saint-Boniface.

L’une des six premières venues au pays a raconté un curieux incident qui marqua le début de leur voyage. Voici son propre récit :

« C’est la mi-septembre ; nous sommes à Londres. Dans une gare, six religieuses vêtues d’une longue cape noire et chargées de paquets essaient inutilement de trouver place dans un train en partance ; c’est partout complet. Les pauvres Sœurs, qui se sentent déjà pas mal dépaysées sur le sol anglais où elles viennent juste de débarquer, sont fort en peine. Et voici qu’un homme, vêtu simplement et qui faisait les cent pas en lisant un journal, s’approche avec l’intention évidente de leur venir en aide. L’une d’elles, la seule sachant parler l’anglais, lui explique qu’elles ont dû quitter la France et qu’elles voudraient se rendre à Liverpool où elles doivent s’embarquer pour le Canada. Alors, l’inconnu les conduit à un luxueux wagon en leur disant d’y prendre place. Les pauvres Filles de la Croix, munies d’une bourse plutôt modeste, font remarquer qu’elles n’ont que des billets de troisième classe. « Cela ne fait rien », réplique le monsieur. Les Sœurs, encore inquiètes, ajoutent : « Quand nous descendrons, on va nous demander quelque chose ». Et lui de répondre avec assurance : « On ne vous demandera rien » Les Sœurs s’installent donc avec leurs bagages dans le wagon-salon. À Liverpool, on les conduit dans un hôtel où elles sont logées très confortablement. Le lendemain matin, elles ont le bonheur d’assister à la messe et d’y recevoir le viatique de leur âme. Celui du corps leur est servi à l’hôtel par une dame très aimable. Les Sœurs, mises en confiance, lui racontent leur bonne fortune de la veille, et cette dame aussitôt de leur dire : « Eh bien ! vous avez eu l’honneur d’être protégées par Sa Majesté le Roi Édouard VII lui-même ! » »

Après cette aventure extraordinaire, la traversée fut naturellement heureuse et sans soupçon de mal de mer…

Mais il est temps d’aborder l’agglomération urbaine de Saint-Boniface-Winnipeg. où l’élément français joua un rôle de tout premier rang.[1]

  1. Notes fournies par feu René Caillaud et Mme Pauline Boutal. Les Cloches de Saint-Boniface, 1904 et 1933. La Liberté et le Patriote, 1954.