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périences, aux répétitions, entre ces camarades d’origines diverses ! Les Français apportaient des souvenirs de leurs musiques de régiment ; les Flamands, ceux de leurs grandes fanfares communales et de leurs festivals renommés ; quant aux Canadiens français, ils étaient quelque peu contaminés par l’influence anglo-saxonne de la musique entendue à Winnipeg. Français et Flamands se montraient d’excellents lecteurs de force égale, et si les premiers paraissaient les mieux stylés dans l’exécution, les seconds avaient les meilleures embouchures. Les musiciens du cru avaient surtout pour eux leur persévérance, vertu non négligeable, alors que les autres en étaient si dépourvus. »

Parmi les membres français de La Lyre, il y avait :

Édouard Jean (piston), d’abord sous-chef, puis chef. Ancien cuirassier, il avait belle prestance et était bon musicien ; mais il alla s’établir à Saint-Claude et gagna plus tard la Californie.

Olivier Callède (piston et baryton), de Dion, canton de Tartas (Landes). Parti pour son service militaire en 1906, il revint joueur de baryton et fit longtemps partie de la Winnipeg City Band. Callède réside depuis longtemps sur le lac Winnipeg, à Sans-Souci. Il fut l’âme dirigeante de la France Combattante au Manitoba.

Maurice Malfilâtre (clarinette), Henri Deny (basse), G.-A. Barrière (alto), Merlin ou Merle (flûtiste), A. Praud (petite caisse), les deux beaux-frères Émile Bouveron (basse), du Rhône, et Léon Michel (alto), de Talare (Hautes-Alpes), qui présida longtemps l’Association des anciens combattants français.

Louis Crance (piston), qui resta en France après la première Grande Guerre ; A. Bonsergent (clarinettiste), qui fut sous-chef en 1907 ; Henri Deschamps (petite basse), qui était aussi, nous l’avons vu, acteur et aviateur casse-cou.

À la Fanfare La Vérendrye, sous la baguette de Paul Salé et de son successeur, Joseph Vermander, il y eut entre autres : l’instituteur Chabalier, Simon Blanc (baryton) et son fils, Georges (trombone), des Lyonnais, Victor Achaire (piston), du Nord, Henri Fouchard, dont nous avons parlé au chapitre sur Sainte-Rose-du-Lac.

Quelques Français furent associés à l’exploitation cinématographique, lors de ses débuts à Winnipeg. Le Marquand, venu bien avant 1900, était propriétaire de l’un des établissements. Son fils s’associa plus tard avec un Canadien français et tous deux sont dans la même industrie à Omaha (Nebraska).

Robert Gens, de Rouen, arrivé vers 1910, était professeur de violon. Il acheta le cinéma dans l’orchestre duquel il jouait et engagea des compatriotes. Frank, flûtiste, et Émile Garnier, tous deux d’Angoulême, furent de ceux-là. On demandait au premier si, en France, il jouait dans un orchestre, et il répondait : « Oh ! non, j’étais chaudronnier… » Robert Gens dirigea l’orchestre du Collège de Saint-Boniface jusqu’à l’incendie de 1922. Il est aujourd’hui à Montréal, dans le commerce des ornements d’église. La famille d’Émile Garnier est encore à Saint-Boniface. Son fils, Hubert, excellent sculpteur, a exécuté d’importants travaux aux façades de plusieurs grands bâtiments de Winnipeg. Sa fille, Gabrielle, est devenue Mme Georges Blanc.

Le trombone Hubert Garcenot, venu de la frontière de l’Est, faisait partie de l’orchestre du Théâtre de Winnipeg. Il se transporta ensuite avec sa famille à Montréal, où les enfants seuls survivent. Le Lyonnais Antoine Griveau fut, comme violoniste, l’un des piliers de l’orchestre du Collège. René Wegbecker, un autre Angoumois, se rattache à la période d’entre les deux guerres. Il faut en dire autant du Normand Henri Caron, toujours maître de chapelle à la cathédrale de Winnipeg.


Quatre hebdomadaires successifs rédigés par des Français

Quelques jeunes Français se lancèrent dans le journalisme. En marge de la presse canadienne-française du Manitoba, qui s’est maintenue sans interruption depuis 1871, il n’y eut pas moins de quatre hebdomadaires successifs fondés et dirigés par ces Canadiens de fraîche date, plus ou moins préparés à ce rôle de responsabilité. Tous militèrent en faveur du parti libéral.

Le premier de ces journaux fut L’Écho du Manitoba, qui vécut environ six années, au tournant du siècle. Son fondateur, le Champenois Henri d’Hellencourt — figure déjà connue — remplit aussi les fonctions d’agent consulaire de France, à la suite de Frédéric Gautier. La petite feuille fut d’abord imprimée par Le Temps, quotidien d’Ottawa, ce qui comportait bien des inconvénients. Plus tard, le rédacteur la composa lui-même sur une linotype. Cet imprimeur d’occasion se révéla très ingénieux pour remédier à la pénurie de son matériel. Henri d’Hellencourt devait fournir une longue carrière de journaliste au Soleil, de Québec, et à la Presse, de Montréal, avant d’aller prendre une retraite définitive en France.

Le Nouvelliste vit le jour à Saint-Boniface, en septembre 1907. Le fondateur, propriétaire et rédacteur en chef, Claudius Juffet, avait fait un vague apprentissage au Nouvelliste de Lyon. Très jeune, et sans avoir passé par le cycle des études secondaires, il possédait une assez bonne plume. Son principal collaborateur était René Brun. Un autre Lyonnais engagé dans l’immeuble, Claude Buffet, qui avait fourni quelques fonds, abrita la rédaction dans son bureau. L’un des piliers de l’entreprise était le prote, Arthur Boutal. Né à Seyches (Lot-et-Garonne), il avait grandi à Angoulême, où il fut correcteur d’épreuves dans une imprimerie. Venu jeune au Manitoba, il avait tâté aux travaux de la ferme et à ceux de la construction, avant de revenir à la typographie et de s’y distinguer comme un véritable artiste du métier.

Surveillée de près par son rival conservateur, Le Manitoba, la feuille libérale eut la vie assez difficile. Elle dut interrompre la publication d’un feuilleton jugé trop osé. L’auteur en