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Page:Fraigneau - Rouen Bizarre.djvu/120

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chêne, il se fait une grande foulée, et le torrent se verse, se précipite avec bruit ; on se bouscule, on se faufile, on se glisse entre les jambes, pour atteindre le premier la barrière, pour être à la bonne place, pour entendre tout ce qui se dira, pour voir tout ce qu’on pourra voir.

De la place du président, l’horizon est mouvant ; c’est un remuement de têtes et de bras, au milieu de cette teinte bleu sombre engendrée par l’affluence des blouses tachées de boue et ayant trainé sous l’intempérie de toutes les saisons dans les vieux quartiers malsains où l’on mange presque pour rien, où l’on boit à bon marché, où l’on peut éviter facilement les yeux trop curieux et quelquefois malintentionnés.

C’est de ce fond que part le bruit lorsqu’on introduit l’accusé ; chacun veut le voir, et sur cette petite mer mouvante les têtes hérissées se dressent comme des vagues.

Là, le criminel, à moins qu’il n’ait accompli quelques-uns de ces forfaits noirs qui le feraient assommer à la porte si, par hasard, on le remettait en liberté, est, pour ainsi dire, sympathique. L’homme antipathique, « l’homme rouge, » comme on l’appelle, c’est le ministère public qui réclame, au nom de la société, au nom de la loi, une punition méritée.