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et malheur aux sergents de ville qui viennent les déranger ! Ce n’est pas un des côtés les moins pittoresques de la cité que ce coin noir, sordide, cédé pour ainsi dire par les habitans à la partie honteuse de leurs concitoyens. Les malfaiteurs, aux premiers siècles de l’ère romaine, avaient leurs bois sacrés ; il semble que le « soleil » soit inviolable lorsqu’il ne franchit pas certaine zone, où d’ailleurs les autres personnes s’avisent rarement de mettre le pied.

Au centre de ce quartier général se trouve le rendez-vous où l’on boit, et qui mérite certainement une description exacte.

Les propriétaires ont changé ; ils y ont fait fortune, mais ils en sont morts. Le titre, cependant, a survécu invariable, et quoi qu’il advienne, tant que le cabaret existera, il conservera sa dénomination : « chez Alphonse. » D’ailleurs, cet Alphonse, dont le nom passe ainsi à la postérité, est l’inventeur d’une boisson très-alcoolique et qu’on ne débite que chez lui : le phonsot. Le phonsot, vendu chaque jour en quantité considérable dans l’assommoir en question, quoiqu’on ne lui ait jamais fait de réclame, est d’une teinte brunâtre et semble fabriqué avec un mélange d’absinthe, de bitter et de fil-en-quatre. On voit d’ici quel doit être le goût de cette