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LES SAUVAGES DE MARTAINVILLE

C’est étonnant, n’est-ce pas ? Et pourtant c’est vrai, rigoureusement vrai. Il y a des sauvages à Rouen et des sauvages qui mangent de la chair crue, s’il vous plait.

Ce qui peut seulement laisser planer des doutes sur leur origine, c’est qu’ils mâchent du verre écrasé et peuvent tenir dans leur main des charbons incandescens, ce que les vrais sauvages ne font pas.

Tout le monde a vu, dans les foires suburbaines et à la foire Saint-Romain qui vient régulierement tous les ans assourdir les oreilles, ces malheureux noircis de charbon, vêtus de quelques loques et que les barnums exhibent avec des épithètes ronflantes et des coups de grosse caisse plus ronflans encore.

En temps de sécheresse et quand le sujet ne transpire pas trop, l’illusion est assez complète pour qu’on ne regrette pas ses deux sous, mais quand il fait très-chaud ou que la tente du forain vient a s’effondrer sous l’eau du ciel, il arrive fréquemment que le « terrible guerrier zoulou rapporté enchaîné, de son pays barbare, par un brave capitaine de vaisseau, » se transforme en quelque Rouennais