Page:Fraigneau - Rouen Bizarre.djvu/45

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et un coup de poing sur la table et le calme recommence pour être de nouveau interrompu de la même façon.

À la moindre rixe, au moindre scandale, on est flanqué à la porte. On n’est pas avec des « soleils », ici ; on est au cercle des « chevaliers de la carue. » Quelques-uns dorment dans des encoignures ; ils ont préféré boire leur argent et se reposent jusqu’à minuit, heure à laquelle ils seront impitoyablement expulsés à moins d’être des cliens bien connus, bien notés et jouissant de la considération de tous leurs confrères.

Grand-Louis, dit le patron, on ne veut pas croire que tu puisses ramasser une aiguille avec l’œil.

Grand-Louis lève la tête, hausse les épaules d’un air de pitié et ne répond pas.

— « Allons ! bois un petit verre et fais ton tour. »

Avec la docilité d’un chien de cirque, le gaillard boit, prend ensuite une aiguille, la jette sur le plancher. Puis, le voilà qui renverse la tête, qui se plie, qui se tord, qui se casse littéralement en deux. Il n’y a pas au cirque, à la foire, aux Folies-Bergère, d’homme qui se plie ainsi plus facilement ; les yeux presque fermés, se promènent pour ainsi dire par terre ; l’aiguille reluit, l’œil appro-